PARTAGE NOIR
Ce sont les hommes, les militants d’un mouvement social qui créent son histoire. Leurs activités publiques et même leur vie personnelle, en harmonie avec leurs idées en tant qu’exemples (c’est ainsi que les libertaires bulgares entendent la fameuse formule « propagande par le fait »), sont la composante principale de cette histoire. Pour cette raison, nous commençons cet ouvrage par les esquisses biographiques des militants libertaires. La galerie des figures originales, différentes par leur caractère, leur situation sociale, leur activité sociale, est très riche. La grande majorité des militants libertaires bulgares combattaient toute leur vie pour le triomphe de leurs idées, un grand nombre d’entre eux terminant comme martyrs, tragiquement et héroïquement. D’autres, par contre, se consacrèrent sans bruit et modestement à leur tâche, mais toujours avec constance, dévouement et demeurant conséquents avec eux-mêmes. Personne n’échappa aux épreuves et aux risques. Et tous, sans exception, montrèrent de la fidélité, du désintéressement et de l’intransigeance dans la défense de leur idéal. Les traits distinctifs du mouvement libertaire bulgare, c’est aussi la grande variété des militants selon leur instruction, leurs capacités et leurs manifestations, en commençant par les simples paysans et ouvriers, les intellectuels de niveau moyen et les techniciens, pour arriver aux hommes d’une instruction supérieure, professeurs et savants d’une échelle très élevée.
Sans une spécialisation étroite dans leurs activités comme militants libertaires, les uns sont de préférence propagandistes et éducateurs, les autres se distinguent comme orateurs et publicistes, d’autres encore, organisateurs ou révoltés et terroristes alors que certains se consacrent entièrement à une activité foncièrement et largement publique au mouvement national révolutionnaire et s’élèvent au rang de grands révolutionnaires. A la première catégorie, indépendamment de leur activité particulière, appartiennent, bien entendu, tous les militants, car, sans propagande, sans un travail éducatif et culturel, aucune activité n’est pensable lorsqu’il s’agit de travailler pour la reconstruction de la société, dans l’esprit d’une doctrine humanitaire et révolutionnaire.
Dans notre choix, nous ne sommes guidés par aucune préférence, mais nous nous limitons à ne présenter que des militants décédés et ceux qui restèrent jusqu’à la fin de leur vie, conséquents, fidèles à leurs idées, sans compromis avec les institutions du pouvoir, d’exploitation et de privilèges.
Nous nous voyons obligés, aussi, de nous limiter aux militants pour qui nous disposons de données biographiques suffisantes. Les dimensions de chaque esquisse sont déterminées, moins par l’importance du militant que par la disponibilité des renseignements sur sa vie et ses activités. Nous ne les présentons pas dans l’ordre alphabétique selon leurs noms, mais, soit selon la date de leur naissance, soit de l’époque de leurs activités militantes et, dans certains cas, selon la date de leur décès.
Adoptant l’ordre chronologique, nous commençons, bien entendu, par les précurseurs et les éducateurs, à savoir les premiers propagateurs des idées anarchistes en Bulgarie.