Libertaire-éducateur, Paraskev Stoyanov fut parmi les premiers anarchistes en Bulgarie, ami et collaborateur de Spiro Goulaptchev.
Il est né, le 30 janvier 1871, à Jourgevo (Roumanie), où son père, grand patriote, militant actif de la libération nationale, de Roussé, s’était réfugié à la suite des persécutions des autorités turques. La situation aisée de sa famille permit au jeune Paraskev de recevoir une instruction solide. Il fit ses études primaires à l’ancien et très réputé lycée « St Sava », à Bucarest, accessible seulement aux enfants des familles aisées. Doué de sens social vif, élevé dans l’esprit des traditions de patriotisme et de liberté, Paraskev Stovanov adhéra dès son adolescence aux milieux socialistes. La lecture de la brochure Aux jeunes gens, de Kropotkine, détermina son destin, il devint libertaire.
Paraskev Stoyanov fonda et dirigea au lycée des cénacles d’élèves qui étudièrent le socialisme et l’anarchisme.
A l’exemple de son maître, le prince Kropotkine, il quitta les milieux aristocratiques roumains et descendit au sein du peuple pour éduquer la jeunesse et les ouvriers. Le soir, au palais de la reine roumaine qui organisait des réceptions et des jeux pour certains lycéens, le lendemain Paraskev Stoyanov parcourait les quartiers populaires de Bucarest.
En Roumanie, il est considéré, avec raison, comme « père de l’anarchisme » dans ce pays.
En 1890, Stovanov est étudiant en médecine à Paris où il ne tarde pas à établir des rapports avec ses condisciples français, italiens et autres. Il participa avec d’autres libertaires au congrès international d’étudiants qui publièrent un manifeste antimilitariste, portant parallèlement à la signature de l’anarchiste italien bien connu, Saverio Merlino, celle de Paraskev Stoyanov. Le même jour, il fut arrêté et emprisonné à Matas. Libéré, après quelques mois sous caution de ses camarades français, ils lui conseillèrent de quitter la France.
Il passa clandestinement en Italie et, plus tard, en Suisse. Il trouva ici des libertaires suisses et russes et participa très activement à la propagande et aux activités organisatrices. Les groupes libertaires constitués diffusaient des livres, des journaux, des manifestes. Avec Atabekian, anarchiste arménien russe, médecin aussi, il organise dans l’habitation de celui-ci une petite imprimerie où ils publièrent des écrits libertaires, principalement de Kropotkine.
Disposant de moyens, Stoyanov participa régulièrement aux souscriptions des journaux, pour le secours aux prisonniers, aux réfugiés, etc. Il aida aussi Max Nettlau dans ses recherches et le rassemblement des œuvres de Bakounine.
A cause de toutes ces activités, il fut expulsé en Italie où il adhéra immédiatement aux organisations anarchistes italiennes, qui s’étaient engagées à ce moment-là dans une agitation intensive, à laquelle Stoyanov prit part de toutes ses forces.
Il établit et maintint toute sa vie des relations directes personnelles et épistolaires avec un grand nombre d’anarchistes, théoriciens, propagandistes et militants mondialement connus : Malatesta, Galéani, Merlino, Jean Grave, Kropotkine, Louise Michel, Nettlau, l’ancien camarade de Bakounine et de Botev, Arboré Rally (sa correspondance inaccessible encore, gardée en Bulgarie, contient plus de 800 lettres). Pendant un voyage en Angleterre, il rendit visite à Kropotkine, à Londres (Kropotkine en parle dans une lettre publiée, en russe, par Nettlau). Et durant tout ce temps, il n’interrompt pas ses relations avec les anarchistes en Roumanie et en Bulgarie, en leur fournissant des publications libertaires. (Les renseignements sur le mouvement libertaire bulgare, publiés sans signature dans la presse anarchiste étrangère, sont fournis probablement par lui.)
Lorsque, en Sicile, le mécontentement populaire s’accrut à tel point qu’un soulèvement général devenait possible, Stoyanov collabora avec des camarades italiens à la préparation d’une insurrection. Arrêté à cette occasion, il fut expulsé d’Italie et retourna, par Istanbul, en Bulgarie. (À un autre moment, il fut expulsé même de son pays natal, la Roumanie.)
En Bulgarie, Paraskev Stoyanov contribua à la formation des premiers groupes libertaires à Roussé.
En Roumanie, étudiant encore, il traduisit et publia, en roumain, les brochures de Malatesta Aux électeurs, Entre les paysans et L’Anarchie. En Bulgarie, il traduisit et fit publier en 1904 Le salariat, La morale anarchiste, de Kropotkine, La société au lendemain de la révolution, de J. Grave (Editions « Bezvlastié » de Varban Kilifarski). Et auparavant (1897), il traduisit de l’italien la brochure Aux jeunes filles de Manzoni. À la même époque, il maintenait des rapports très étroits avec Goulaptchev, Michel Guerdiikov, Varban Kilifarski, Nicolas Stoïnov, etc. Ce fut probablement lui l’anarchiste bulgare qui assista au congrès socialiste international de Londres, en 1896, où fut consommée la séparation définitive entre les marxistes et les anarchistes sur le plan mondial. Ce fut lui aussi qui fournit à Goulaptchev les renseignements sur ce congrès, imprimés en complément dans le livre de A. Hamon Le congrès de Londres, traduit et publié en bulgare.
Paraskev Stoyanov collabora à la presse libertaire et à la constitution du mouvement de la fédération anarchiste en Bulgarie. Mais plus tard, très occupé des soins de ses malades, il s’absenta du cinquième congrès, le plus important de celle-ci à Yambol, en 1923, et adressa seulement une longue lettre aux délégués.
En 1932, il publia dans l’hebdomadaire littéraire Pensée et Volonté ses excellents souvenirs d’Élisée Reclus, le grand géographe français et communard de Paris, dont il fut à un moment donné élève à l’Université libre de Bruxelles.
Parmi ses activités nombreuses et variées, il convient de citer la collecte de souscriptions au secours des marins révoltes du Potemkine.
Comme historien, il découvrit des faits précis témoignant des relations entre Bakounine et le comité central révolutionnaire de Bucarest de l’époque de la préparation de la libération nationale de la Bulgarie et fit de nombreuses recherches sur le mouvement national-révolutionnaire dans diverses villes de Bulgarie (de Lovetch, notamment, où il exerça longtemps la médecine).
Comme médecin, le docteur P. Stoyanov fit ses études en France et en Roumanie et passa, plus tard, plusieurs années en spécialisation à Paris, Berlin, Londres, Heidelberg, Berne, Leipzig, Lausanne et Vienne. Il exerça sa profession à Lovetch, Varna, Sofia où, parallèlement, il fit des recherches historiques et ethnologiques et développa d’intenses activités culturelles.
Comme chirurgien, il fit des milliers d’opérations en introduisant ses propres méthodes de travail. Un des fondateurs de la Faculté de Médecine de Sofia (1919), le professeur P. Stovanov occupa le premier en Bulgarie la chaire de chirurgie et, par son enseignement, forma une nombreuse phalange d’élèves dont certains sont aujourd’hui-même professeurs en Bulgarie. Ils lui ont dédié un livre paru à Sofia, en 1971 (B. Boïtchev et S. S. Israë : Paraskev Stoyanov, Editions « Médecine et Culture », 145 pages, avec les bibliographies complètes de ses œuvres, 75 pages).
Le médecin, le chirurgien, le professeur, le savant et l’homme public, Paraskev Stoyanov créa à Varna le premier et l’unique sanatorium dans le pays pour la tuberculose des os et un aquarium qui portent aujourd’hui son nom.
Le professeur Paraskev Stoyanov, le libertaire bulgare dévoué à son idéal, le grand savant connaissait à fond dix langues étrangères et publia des ouvrages en ces langues, participa à de nombreux congrès scientifiques internationaux, sans jamais relâcher ses rapports avec le mouvement anarchiste, aidant souvent et soignant à l’hôpital universitaire, sous sa direction et sa responsabilité, même des militants illégaux, recherchés et persécutés par la police.
Son nom figurant sur les listes des révolutionnaires dangereux pour le régime tsariste de la Russie, il fut arrêté à la frontière et empêché de se rendre un congrès international des médecins à Moscou, bien qu’il ait été envoyé comme délégué officiel de la Bulgarie. Il a bien mérité cet « hommage », n’est-ce pas ?