D’origine macédonienne, Petar Mandjoukov naquit en 1879 au village de Mirkovo, près de Skopié.
C’est peut-être une ironie du destin que le futur révolutionnaire et anarchiste irréconciliable soit né neveu d’un évêque, élevé et éduqué par son oncle, le célèbre Natanaël. Elu d’abord à Okhrid, en 1873, réfugié ensuite, en Bulgarie, Natanaël est mort évêque de Plovdiv en 1908. Homme public distingué, cet évêque extraordinaire joua un rôle culturel et national-révolutionnaire de premier ordre.
Il organisa deux insurrections en Macédoine et fut obligé de se réfugier en Bulgarie où il se consacra à une œuvre de bienfaisance exceptionnelle, élevant et éduquant par ses moyens personnels des dizaines d’enfants, dont son neveu, Petar.
Accompagnant son oncle dans tous ses déplacements, l’enfant habita d’abord un certain temps (1887) à Lovetch, ville traditionnellement révolutionnaire, gardant toujours les souvenirs du grand organisateur du comité révolutionnaire intérieur sous les Turcs, Vassil Levski, dont elle fut le siège.
En 1894-1895, Mandjoukov est élève officier à Sofia et il adhère au groupe patriotique macédonien de Vassil Glavinthev. A l’automne de 1895, il retourne à Plovdiv pour continuer ses études au lycée. Il se lia d’étroite amitié avec Michel Guerdjikov, un de ses camarades de classe. Ensemble, ils formèrent les premiers groupes libertaires en Bulgarie.
Le 14 décembre 1895, Mandjoukov est exclu de l’école. Guerdjikov proteste et il est exclu à son tour. En février 1896, ils se retrouvent tous les deux à Kazanlik, où ils s’inscrivent à l’école normale, afin de se présenter à l’examen en fin d’année scolaire.
Leurs activités libertaires ne s’interrompent pas. Un nouveau groupe de 25 lycéens et ouvriers est constitué en mai de la même année 1896. En juin, ils forment une communauté de consommation où adhèrent également des ouvriers et toute une famille d’artisans.
Mandjoukov passe avec succès ses examens, mais le procureur régional de Stara Zagora, futur Président du Conseil des ministres, le démocrate Nicolas Mouchanov, ordonne télégraphiquement, juste à ce moment-là, son arrestation et exclusion de l’école. Guerdjikov subit le même sort. Mandjoukov s’inscrivit alors à l’Ecole Normale de Lom, sur le Danube, et termina ses études secondaires en 1898.
A Lom, il ne resta pas non plus les bras croisés : dès l’automne 1896, il fonda un groupe libertaire d’une dizaine d’adhérents, lycéens et même quelques instituteurs du canton, originaires de diverses localités du pays.
Pour satisfaire aux besoins de la propagande du groupe de Lom, Mandjoukov traduisit du russe la biographie du poète Nadson et une brochure d’articles populaires de tendance libertaire. Ainsi, les idées anarchistes trouvaient une plus large diffusion dans plusieurs localités de Bulgarie : Razgrad, Roussé, Pléven, Gabrovo, Kazanlik, Plovdiv, où des groupes sont déjà constitués et maintiennent des relations entre eux. Les rentrées de la vente de ces deux brochures éditées par le groupe alimentèrent la caisse de la communauté de consommation (appelée à l’époque simplement « Commune »), créée aussi à Lom. Les mêmes rentrées aidèrent également à faire une excursion en Hongrie et Croatie, organisée par le groupe.
Terminant ses études secondaires, en 1898, Mandjoukov se rendit à Genève, avec l’intention d’étudier la chimie.
Dès son arrivée, en été de la même année, en Suisse, il adhéra au fameux « Cénacle de Genève » et au « Comité clandestin révolutionnaire macédonien », dont une « succursale » existe même à Plovdiv, avec une dizaine de membres. Celle-ci reçut de Genève des documents de propagande révolutionnaire et anarchiste, par exemple, le discours d’Emile Henry, Les crimes de Dieu, de Sébastien Faure, etc., que Mandjoukov traduisit du français. (Ces mêmes brochures seront rééditées plus tard avec les moyens de l’Organisation macédonienne lorsque Mandjoukov fit connaissance de Gotsé Deltchev et adhéra à sa compagnie de guérilleros dans les montagnes de la Macédoine.)
Après la décision du « Cénacle de Genève » de se consacrer à la lutte révolutionnaire pour la libération nationale de la Macédoine, Mandjoukov fut l’un des premiers qui se rendit au pays (à Skopié), en 1898.
Il y fonda aussitôt un groupe libertaire et élabora son programme : L’ABC de l’anarchisme, une forte brochure dont le texte complet est reproduit dans les Mémoires inédits [1]. Après de nombreuses péripéties et aventures (arrêté, emprisonné, condamné à mort, tentative de suicide, etc., etc.), il retourna à Sofia, le 19 mai 1899. Peu de temps après, il retrouva ses camarades Merdjanov et Sokorov, avec qui il s’inscrivit à la compagnie de guérilleros de Deltchev et passa de nouveau en Macédoine.
Cette vie de révolté que nous décrivons plus en détails ailleurs [2] se termina, après maints exploits, par sa participation à la préparation et au déroulement de l’insurrection d’Ilinden et de Préobragénié. Par la suite, Mandjoukov fut d’abord employé à Plovdiv, étudiant en France, conservateur des Eaux et Forêts et finit sa vie de retraité à Plovdiv, en 1966.