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XI. – La Mutualité - Annexes

samedi 9 décembre 2023, par André Devriendt (CC by-nc-sa)

I. - LA MUTUALITE FEMININE

Dans les confréries générales, les femmes étaient ordinairement ad­mises, surtout dans les professions mixtes. L’adhésion d’une femme de maître était parfois obligatoire. Lorsqu’un maître décédait, la veuve, si elle n’était déjà membre de la confrérie, pouvait adhérer et elle recevait des secours ; elle avait d’ailleurs souvent la possibilité de continuer l’activité de son mari, avec des compagnons et sous la surveillance de la corporation.

En revanche, il semble qu’aucune femme n’ait été admise dans les sociétés de compagnons.

Des sociétés exclusivement féminines se sont créées, soit lorsque la profession était exercée uniquement par des femmes, soit lorsque les femmes n’avaient pas la possibilité d’adhérer à une société. Il y eut des sociétés féminines qui s’occupaient exclusivement d’apporter une aide à leurs consœurs qui accouchaient.

A partir de la fin du siècle dernier, les femmes sont de plus en plus admises dans les sociétés de secours mutuels. Elles le sont naturellement de nos jours, soit directement, soit à titre de conjoint.

II. - LA MUTUALITE DANS LA SOCIETE CONTEMPORAINE

La Fédération nationale de la mutualité française regroupe actuelle­ment plus de 12 millions d’adhérents chefs de famille soit plus de 25 millions de bénéficiaires, réunis au sein de 7 500 sociétés mutualistes. 45 000 safarisé environ travaillent pour ces sociétés, dont la gestion est assurée par 100 000 administrateurs bénévoles. Les recettes annuelles, – car on ne peut à proprement parler de chiffre d’affaires –, dépassent les 18 milliards de francs. 1 350 sociétés réalisent à elles seules plus de 95 % de l’activité globale.

Organisation sans but lucratif, la Fédération nationale de la mutualité française constitue le plus important mouvement social de notre pays. Rigoureusement indépendant, – que ce soit de l’État ou de toute appar­tenance politique, syndicale ou confessionnelle –, il ne se veut pas pour autant « neutre ». Ses combats récents, – pharmacies mutualistes, ticket modérateur d’ordre public –, l’ont démontré. Ce mouvement a par ailleurs été capable de mettre en place une structure décentralisée (il y a une union départementale dans tous les départements sans exception), et d’organiser une véritable démocratie, tous les gestionnaires étant élus.

C’est aujourd’hui l’un des rares organismes où les hommes puissent se rencontrer volontairement, quels que soient leurs horizons politiques, philosophiques, religieux ou sociaux, pour construire ensemble, pour prendre en main leur propre destin sans attendre la solution à leurs pro­blèmes d’une organisation extérieure qu’elle qu’elle soit.

Le meilleur traitement au meilleur prix

Le domaine d’action est vaste.

Il est d’abord complémentaire de la Sécurité sociale, et ceci essentiellement sur trois plans :

 Couverture du ticket modérateur : les sociétés mutualistes couvrent pour la plupart une large part ou l’intégralité du complément de la Sécurité sociale (ticket modérateur). Ce qui ne les empêche pas de souhaiter voir fixer les prestations de la Sécurité sociale au plus haut niveau. Elles se sont opposées, avec la vigueur que l’on sait, à l’institu­tion du ticket modérateur d’ordre public (interdiction de rembourser intégralement le complément de la Sécurité sociale).

 Pratique du tiers payant : faire payer les médicaments et les soins aux mutualistes revient à leur faire avancer un argent qu’ils ont payé par leurs cotisations. De très nombreux groupements mutualistes ont donc mis en place des conventions de tiers payant (c’est un « tiers » qui paie) qui évitent aux mutualistes de faire l’avance des frais.

 Fourniture directe de soins : l’action des sociétés mutualistes vise à obtenir le meilleur traitement au meilleur prix. De nombreuses réali­sations sanitaires ou sociales ont donc été créées :

• Lorsque les professions concernées refusaient de signer des conventions de tiers-payant. Ainsi, les 60 pharmacies mutualistes existant actuellement ont-elles facilité l’ouverture de négociations entre la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et la Fédération nationale de la mutualité française.

• Lorsqu’il fallait démontrer que de nouveaux traitements pouvaient être délivrés à moindre coût, ou que le mode d’exercice de la médecine n’influençait pas la qualité des soins (création de la clinique de la Fédération nationale des mutuelles de fonctionnaires et agents de l’État par exemple).

• Lorsque la démonstration de thérapeutiques nouvelles s’avérait néces­saire (expérimentation de thérapeutiques psychiatriques en milieu ouvert dès le début des années 1960 grâce à la Mutuelle générale de l’éducation nationale ; création du centre de réadaptation fonctionnelle de Kerpape grâce à l’Union des sociétés mutualistes du Morbihan, etc.).

Mais le domaine d’action de la mutualité ne se limite pas à « la prévention des risques sociaux et la réparation de leurs conséquences ». Il concerne aussi « le développement moral, intellectuel et physique » de ses membres. Un champ si vaste que les sociétés mutualistes ont préféré définir, au cours de leurs congrès triennaux, des secteurs prioritaires :

 enfance handicapée ;
 personnes âgées ;
 loisirs-vacances.

On évite ainsi l’éparpillement, et l’action mutualiste reste significative. Des établissements témoins ont été créés, dont un exemple, celui de Montbard, réalisation de la F.N.M.F. elle-même.

 Un nouveau secteur : la prévoyance

Si ces priorités, définies au congrès de Saint-Malo (1967), ont été longues à se concrétiser, il n’en est pas de même de la prévoyance.

L’action conduite ici a permis à la mutualité de prendre en moins d’une dizaine d’années une place dans un domaine où la concurrence des compagnies d’assurance est forte. Deux outils ont ici été mis en place :

• La S.N.P. (Société nationale de prévoyance de la mutualité française) qui a pour principal objectif d’offrir dans le cadre d’assurances de groupe toutes les formules de prévoyance définies par les conventions collectives ou accords d’entreprises.

• La S.N.P. est implantée dans tous les secteurs professionnels, mais plus particulièrement dans le bâtiment, l’ameublement, la métallurgie, la chimie, le bois, le pétrole, le textile, la carrosserie.
Après avoir touché les grandes entreprises, la S.N.P. s’est étendue aux petites et moyennes entreprises à l’usage desquelles elle a mis au point des formules d’assurance à la carte.

• Le MUTEX (Mutualité-Expansion), service de la F.N.M.F. qui s’adresse au grand public. L’objectif recherché est d’harmoniser les garanties offertes sur l’ensemble du territoire par les caisses mutualistes. La formule permet de concilier la nécessaire centralisation des moyens techniques et financiers et la décentralisation de l’action menée sur le terrain par les organismes locaux. Le service MUTEX développe également son action dans le domaine de l’assurance des entreprises (indemnités journalières, rentes de veuves ou d’orphelins, capitaux vie et décès, invalidité, accident, etc.).

(F.N.M.F. Congrès de Bordeaux, 1982.)

III. — LA CAISSE MALADIE-DÉCÈS DE LA SOCIÉTÉ TYPOGRAPHIQUE PARISIENNE (1790)

Paul Chauvet, faisant état de la première organisation de la typographie parisienne, cite une brochure conservée au British Museum de Londres, portant pour titre : « Règlement Général pour le Corps typographique. Rédigé par le Comité de l’Assemblée Générale des représentants des ouvriers imprimeurs en lettres de Paris, et sanctionné par elle le 27 juin 1790 ».

La mutualité se substitue à la charité humiliante

Le préambule ou « Discours préliminaire » est à rapprocher de celui des imprimeurs strasbourgeois en ce qui concerne les tentatives infructueuses pour constituer leur association d’entraide ainsi que la coutume que nous avons citée, pour les malades et vieillards, d’aller quêter d’atelier en atelier :

Dégagé des chaînes du despotisme et de la tyrannie des privilèges, vous avez enfin jeté les fondements de cette société fraternelle qui fera toujours honneur à votre fraternité et à vos connaissances et qui en assurant le libre exercice de votre art, vous procurera des secours dans vos infirmités et dans votre vieillesse et détruira cette démarche humi­liante à laquelle tant de vos frères ont été autrefois exposés pour se procurer quelques soulagements dans leurs maux.

Vingt fois vous avez tenté de former ce généreux établissement et vingt fois la tyrannie ministérielle, guidée par ceux qui avaient le plus grand intérêt à vous empêcher de vous réunir, crainte que votre rappro­chement ne vous éclairât sur vos droits, vous avoit interdit de le faire et vous avoit traité comme des perturbateurs du repos public.

Mais aujourd’hui vos droits ne sont plus douteux, rien ne peut empêcher vos actes de bienfaisance et votre, association ( ... ). »

Jusqu’ici, quels ont été vos sacrifices pécuniaires ? Ils ont été bien modiques, et combien de malheureux n’avez-vous pas soulagé ? Combien n’avez-vous pas empêché d’infortunés pères de famille de s’arracher à une épouse et à des enfants chéris pour aller périr de misère dans une maison de santé. Combien d’infortunés vieillards ne vous bénissent-ils pas pour les avoir arrachés aux horreurs de l’indigence ! Et combien enfin ne devrez-vous pas vous applaudir de pouvoir dire : j’ai travaillé au soulla­gement de mes frères, de mes amis, je suis sûr qu’ils travailleront au mien. Eh bien, continuez vos bienfaits, et vous rendrez à votre corps tout l’honneur et la dignité que des détracteurs intéressés à vous avilir ont voulu lui ravir...

Les administrateurs

Rappelant les abus constatés lors des premières assemblées, il a été décidé de nommer de nouveaux représentants afin d’élaborer les statuts comptant 47 articles.

Tenant compte de l’importance numérique de la Société, le Bureau est désormais composé d’un président, de deux secrétaires et deux suppléants, d’un trésorier, d’un adjoint, de deux commissaires vérificateurs de comptes, de quatre visiteurs de malades, nommés au scrutin individuel. Prenant le titre d’« Officier », ils ont à prêter le serment suivant devant l’Assemblée en prenant leurs fonctions :

Nous promettons en notre âme et conscience de remplir les fonc­tions qui nous sont confiées avec l’intégrité dont nous sommes capables et de ne jamais nous écarter de l’esprit du règlement de l’Assemblée (Chap. 1er).

Les fonctions de chacun de ces « Officiers », minutieusement décrites, n’ont rien à envier aux statuts modernes. Nous ne citerons que l’article IV stipulant que le trésorier ne délivrera aucune somme pour traitement de maladie, d’infimtité, de vieillesse, etc. sans un certificat d’un des visiteurs (signé du président) qui attestera l’état du malade. Il ne peut délivrer aucune somme pour les dépenses extraordinaires sans un mandat du président.

Les visiteurs

A la requête d’un confrère malade, de son représentant ou du président, les visiteurs sont tenus de se rendre dans les 24 heures chez le malade pour constater son état et faire leur rapport à l’Assemblée. Il leur est recommandé de remplir cette fonction avec la plus grande exactitude, à se partager entre eux le nombre des malades dont l’Assemblée sera chargée, de la manière qui leur sera la plus convenable, de les visiter au moins une fois par semaine et de leur porter les secours de l’Assemblée, remis par le trésorier, sur quittance du président (art. VI - chap. II du titre 1).

(La Mutualité française, des origines à la Révolution de 1789, Jean Bennet.)

IV. - L’AVENIR DU MOUVEMENT MUTUALISTE FRANÇAIS

Longtemps les rapports entre la Sécurité sociale et la mutualité ont été pensés et vécus de façon antagonique : opposition entre le déve­loppement des fonds sociaux collectifs obligatoires et celui des fonds sociaux volontaires financés par les ressources individuelles, entre l’évo­lution des besoins collectifs et celle des besoins individuels, entre le processus de socialisation et celui d’individualisation.

Le développement des uns devait, estimait-on, « nécessairement » limiter, contraindre ou même vider de toute substance le progrès voire l’existence des autres.

Aujourd’hui, le mouvement mutuailiste est conscient de ce que la mise en œuvre d’une Sécurité sociale réelle constituerait la condition nécessaire du développement et de la libération de la mutualité.

Il lutte en ce sens.

Les syndicats, le mouvement populaire et démocratique sont aujour­d’hui conscients de ce que la réailisation d’un véritable droit à la Sécurité sociale n’entraînerait pas la disparition de la mutualité. Ils admettent que l’organisation mutualiste constitue une réalité permanente, et qu’elle le restera, quelles que soient ses évolutions.

Ainsi, des convergences fondamentales apparaissent, qui permettent un développement sans précédent de la coopération, à égallité et en toute indépendance, entre le mouvement mutualiste et les autres formes d’orga­nisations volontaires et démocratiques de notre pays et tout particuliè­rement avec le mouvement syndical.

Cette évolution oblige à jeter un regard neuf sur l’avenir de la Sécurité sociale, sur celui de la mutuailité et sur leurs relations.

Les mesures contenues dans la plate-forme Santé-Sécurité sociale de juillet 1974, la nationalisation de l’industrie pharmaceutique et des compagnies d’assurances privées, demeurent des objectifs qui permettraient de répondre aux besoins les plus urgents et de mettre en route une dynamique nouvelle.

L’ensemble de la population française, grâce à l’action combinée de la Sécurité sociale et de la mutualité, bénéficierait alors de la « gratuité » des soins, d’une garantie de ressources élevées, d’un accès aux soins très amélioré, d’une démocratisation poussée de la protection sociale.

Sur ces bases, l’intervention multiforme de la mutualité pourrait se développer considérablement.

C’est dans l’activité quotidienne, dans des réailisations concrètes répon­dant aux besoins et aux possibilités les plus actuelles de la grande masse des mutualistes que la mutualité doit gagner en nombre d’adhérents, en puissance, en capacité d’intervention pour avancer vers ces objectifs et cet avenir.

Dès à présent, l’utilisation des capacités et du patrimoine mutualistes tels qu’ils existent ou se créent doit permettre d’œuvrer concrètement pour une nouvelle stratégie du droit à la santé.

Cette stratégie doit contribuer à la conquête individuelle et collective de la santé, au libre aménagement des temps, des cadres et des modes de vie, à la promotion de rapports de meilleure quallité entre les hommes.

En particulier, elle doit participer à réintroduire à part entière dans la vie sociale tous ceux qui, du fait de leur différence ou de leur « anor­malité », en sont exclus : malades, handicapés, toxicomanes, inadaptés. Il faut mettre en cause toutes les structures d’enfermement qui appau­vrissent la vie sociale, la rendent inhumaine, intolérante et stérile.

Le bien-être de l’individu est une conquête dynamique, permanente liant intimement santé physique et morale, regroupant tout ce qui participe à l’équilibre de la personnalité — thérapeutique, prévention, hygiène, conditions de travail, de transports, de logement, loisirs, sports — et permettant toutes les acquisitions de la culture...

Les besoins des personnes âgées sont eux aussi immenses. La mutua­lité doit jouer son rôle égallement dans des secteurs d’intervention relati­vement neufs ou du moins ressentis comme tels, ainsi la prévention, en particulier au travail, ou l’écologie, les secteurs culturels et de loisirs pour ne citer que ceux-là.

Ainsi la mutualité, à partir d’expériences vécues, de la spécificité de son intervention, doit-elle aider efficacement en complémentarité et en coopération avec l’ensemble des forces qui interviennent positivement sur ce terrain, à l’amélioration du cadre et de la qualité de la vie.

L’intervention de la mutualité dans cet immense champ, loin de trans­férer des charges nouvelles sur les budgets des mutualistes, doit faire progresser la conscience et l’action pour que des moyens à tous niveaux et en particulier au niveau des pouvoirs publics soient dégagés à hauteur des nécessités actuellles.

Ce devenir de la mutualité n’est pas tracé d’avance...

Tout dépendra des libertés plus ou moins grandes avec lesquelles la mutualité pourra intervenir et de ses capacités à être en permanence le grand mouvement dont notre peuple a besoin.

A partir de son histoire, de ses traditions, de ses valeurs, grâce à son unité, à sa diversité, à son expérience, à sa démocratie et à son patrimoine matériel et humain, le mouvement mutuailiste peut jouer un rôle actif, progressiste dans notre pays.

Mais il n’y a pas de fatalité.

Tout dépend de la manière dont ces qualités seront, ou ne seront pas, utilisées, rendues fécondes, par les mutualistes eux-mêmes.

En 1945, le mouvement mutualiste français a, pour une large part, manqué l’histoire.

Aujourd’hui, plus fort, plus uni, plus indépendant, plus actif, plus conscient, il a, s’il cultive ses qualités essentielles, la possibilité de participer pleinement à cette histoire.

Il n’est pas douteux qu’il doit à cet effet considérablement faire progresser en lui et hors de lui ces qualités. Il doit pouvoir mettre en cause tout ce qui, en son sein, peut conduire à réduire la participation, à égalité, de chaque mutualiste et de sa famille, de chaque société.

La Fédération nationale des mutuelles de travailleurs n’a qu’une ambition : mettre au service de l’ensemble du mouvement mutualiste français, auquel elle appartient et participe pleinement, toutes ses capa­cités de réalisation, de réflexion et d’action.

(Contribution à la doctrine et à l’action mutuailistes.
F.N.M.T. - Congrès d’Evian - 1978.)

V. - LE COMPAGNONNAGE

Alors qu’à Lyon, par exemple, vers 1688, les chefs ouvriers tailleurs, disposent de leurs compagnons comme bon leur semble, en les envoyant travailler chez les maîtres de leur choix et les faisant sortir à leur volonté ; quelques années plus tard, les compagnons, grâce à leur entente au sein de leur société, ont le quasi monopole de l’embauchage, n’hésitant pas à mettre en interdit, pour une durée plus ou moins longue, les ateliers n’acceptant pas leurs exigences salariales, et même au besoin la ville entière. Quelques artisans furent ainsi ruinés, ne trouvant aucun compa­gnon à embaucher, la ville étant aux mains d’un seul Devoir.

C’est en 1730 que, pour la première fois sans doute, les autorités qualifient un compagnonnage de « syndicat ». Il s’agit d’une ordonnance du procureur du roi, Armand-François de Lacroix, dénonçant les agis­sements des compagnons menuisiers et charpentiers « dévorants » de la ville de Montpellier :

Ce qui les provoque encore plus au désordre, c’est que, par un abus punissable, ils ont entrepris de faire un syndicat entre eux, de prendre même des délibérations contre le corps des maîtres menuisiers et charpentiers pour défendre à certains compagnons de travailler dans cer­taines boutiques. Le capitaine du Devoir a entièrement autorité sur les compagnons ; lorsqu’ils ne sont pas contents d’un maître, tout d’un coup les compagnons les quittent ; s’il y avait quelqu’un qui y contrevenait, ils prennent la résolution de l’assassiner. Ce procureur fait état des mêmes pratiques chez les gavots, précisant : De sorte que les voilà syndiquez contre les autres, et tous ensemble contre les maîtres menuisiers.

Les grèves, les luttes pour les sailaires, les conditions de travail, la qualité de la nourriture se poursuivront jusqu’à la Révolution. En 1744, les canuts lyonnais se révoilteront une nouvelle fois et l’armée interviendra à nouveau. Ces mouvements sont fréquemment soutenus par les caisses de résistance constituées sous couvert des caisses de maladie, par les Devoirs et les confréries compagnonniques camoufflant des sociétés se­crètes. Les compagnons l’alimentent par une cotisation, ceux refusant de verser ou désobéissant aux consignes d’interdit ou de grève, se mettant en dehors de la solidarité professionnelle, sont mis à l’index dans les ateliers et trouvent très difficilement à s’employer, quand ils ne font pas l’objet de représailles de la plus extrême violence.

Si le rôle joué dans ce domaine par les confréries compagnonniques apparaît davantage limité, parce que mieux connues des autorités, par contre les Devoirs exercent un rôle nettement plus efficace en raison de leur clandestinité, de la mouvance de leurs adhérents, de la difficulté de les identifier d’une manière sûre, bien qu’à plusieurs reprises ils soient obligés de se faire inscrire sur les registres municipaux ou du métier. Cette action syndicale menée par les associations d’entraide constitue un des aspects les plus importants du mouvement ouvrier. Elle explique les raisons des très nombreuses sanctions et interdictions prises à leur encontre, mais sans effets très sérieux, car on retrouvera ces groupements d’entraide sociale notamment sous la monarchie de Juillet où les caisses de résistance seront nombreuses ; les canuts joueront un rôle particuliè­rement important dans les soulèvements.

L’action des compagnonnages ne se limite pas à la défense des intérêts professionnels. Elle se double d’un service precieux pour ces jeunes âgés de 18 à 25 ans : c’est l’enseignement professionnel donné aux apprentis ou « aspirants » et aux compagnons. Dans ces « écoles de trait », de vieux compagnons enseignent la géométrie, le dessin linéaire. Ils ont généralement lieu chez la Mère mais aussi sur un chantier, dans un atelier où un compagnon guide et conseille un plus jeune, le faisant bénéficier de son expérience. Cette formation technique s’est maintenue pendant des siècles et se continue de nos jours.

(La Mutualié française des origines à la Révolution de 1789. -
Jean Bennet.)

VI. - CE QU’EST LA MUTUALITÉ

Les dogmes mutualistes (Vichy, 1951)

Une société mutualiste est un groupement de personnes, librement réunies, qui définissent librement leurs rapports.

  La mutualité couvre les individus à l’exclusion des biens.
  Les services alloués résultent toujours d’une contre-partie : la cotisation.
  Egalité des mutualistes.
 L’action mutualiste ne peut aboutir à un bénéfice ou à un profit. Interdiction formelle d’effectuer toute répartition.
 Les services ne peuvent être attribués qu’aux seuils sociétaires.
 Une société mutualiste définit elle-même ses buts, dans le cadre de la loi.

La Mutualité ne se limite pas à une simple défense de ses libertés, elle entend s’insérer dans la vie sociale du pays.

Edouard Brassier
(L’Economie sociale,
de Thierry Jeantet et Roger Verdier.)

LES GRANDS THÈMES DES CONGRÈS

Fédération nationale de la mutualité française :
1948. - Aix-les-Bains. « La mutualité et l’avenir ».
1951. - Vichy. « L’action sociale de la mutualité ».
1954. - Marseille. « La société de base, élément essentiel de la mutualité ».
1957. - Nice. « La mutuailité dans la vie contemporaine ».
1960. - Nantes. « Le perfectionnement de la protection sociale, devoir de la mutualité ».
1964. - Bordeaux. « Mutualité 1964 ».
1967. - Saint-Malo. « La mutualité dans l’évolution sociale ».
1970. - Grenoble. « Pour une mutualité efficace : diversité, union, technicité ».
1973. - Vittel. « La mutualiité au service de l’homme ».
1976. - Vichy. « Une mutualité pour notre temps ».
1979. - Strasbourg. « Un mouvement de prévoyanèe et de solidarité ; libre, démocratique et responsable ».
1982. Bordeaux. « Un idéal, une force, une volonté novatrice ».

(L’Economie sociale, de Thierry Jeantet et Roger Verdier.)

Fédération nationale des mutuelles de travailleurs :
1973. - Royan. « Pour la défense du droit à la santé pour tous. »
1975. - Marseille. « L’action mutua:liste et sa contribution à la solution des problèmes de la protection sociale et de la santé. »
1978. - Evian. « La mutualité aujourd’hui... demain. »
1981. - Grenoble. « Action et autogestion mutualistes au service de l’homme et du progrès social. »