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« Le Libertaire » avant La Première Guerre mondiale (1895-1914)

dimanche 25 février 2024, par Maurice Joyeux (CC by-nc-sa)

Les syndicats ouvriers, cela n’est pas contestable, sont et seront, à mon avis, les embryons de la société future. Une telle affirmation, ici faite, semble osée si on se reporte quelques années en arrière. Il était à la mode, en ce temps, dans les milieux anarchistes, ou de tendance telle, de dénigrer les groupements syndicaux, les associations économiques ouvrières, sentines électorales, pépinières à candidats disaient pontificalement quelques-uns qu’écoutait, bouche-bée, la grande masse des compagnons qui, panurgiquement, suivait les contempteurs des organisations ouvrières...

« Anarchistes et syndicalistes », Louis Grandidier, Le libertaire, 5/12 novembre 1899.

C’est le 16 novembre 1895 que Sébastien Faure publie le premier numéro du Libertaire, en France cette fois-ci ! Le journal prend la suite des deux hebdomadaires anarchistes : La Révolte de Jean Grave et Le Père Peinard d’Emile Pouget, qui viennent d’avoir des ennuis avec la justice. Il n’est pas sans intérêt de noter qu’à la même époque, Jean Grave, qui ne désarme pas, lance Les Temps nouveaux destiné à remplacer La Révolte et dont l’audience va devenir considérable dans les milieux littéraires.

A sa parution, Le Libertaire de Sébastien Faure — qui n’a pas encore élaboré sa théorie de la synthèse anarchiste — va être un journal de tendance individualiste. Auprès de celui de Sébastien Faure, on trouve les noms d’Emile Girault, d’Henri Dhorr, de Paraf-Javal. Il faudra attendre la création de L’Anarchie en 1905, où se retrouveront Libertad, Lorulot, Mauricius, Armand, etc., pour que dans les pages du Libertaire, devenu l’organe du mouvement anarchiste, soient à peu près reflétées sur un pied plus ou moins égalitaire toutes les tendances de l’anarchie.

Ce Libertaire première manière est violemment antisyndicaliste, et Paraf-Javal écrira dans un numéro d’avril 1904 ce commentaire édifiant : Qu’est-ce que le syndicalisme ? C’est un groupement dans lequel les abrutis se classent par métier pour essayer de rendre moins intolérables les rapports entre les patrons et les ouvriers. De deux choses l’une : ou bien ils ne réussissent pas et alors la besogne syndicale est inutile, ou bien ils réussissent et alors le syndicat est nuisible car un groupe d’hommes aura rendu sa situation moins intolérable et aura, par la suite, fait durer la situation actuelle !.

Paraf-Javal

Il est certain, compte-tenu des outrances du temps, que Paraf-Javal posait un problème qui a fait et fera encore couler beaucoup d’encre dans les milieux anarchistes, et pas seulement parmi eux. En effet, c’est à partir de jugements de cette nature que Lénine et ses amis ont mis le syndicalisme dans des fers, de façon à ce qu’il ne soit plus que l’organisation de masse des Partis communistes. Mais une telle attitude ne ralliera pas tous les militants libertaires, comme le démontre le texte placé en exergue de ce chapitre, et l’anarcho-syndicalisme qui va se développer dans le pays trouvera bientôt sa place dans le journal.

Mais ce qui fut la grande affaire de ce Libertaire de Sébastien Faure fut sûrement l’affaire Dreyfus ! A vrai dire, lorsqu’elle éclata en 1894, elle fut loin de passionner les milieux ouvriers, et Pouget écrivait dans Le Père Peinard à propos de l’arrestation de Dreyfus : [...] Qu’il soit innocent ou coupable, je m’en tamponne le coquillard, j’ai beau le reluquer sous toutes ses coutures, je ne retrouve en lui que l’officier. Et, Nom de Dieu, je ne perds pas de vue que s’il était arrivé un coup de chambard à l’époque où le capitaine Dreyfus se pavanait, chamarré de galons, il aurait paradé dans le clan des fusilleurs.

Cette opinion est répandue dans les milieux ouvriers et pas seulement chez les anarchistes qui comptent des centaines de militants dans les bagnes militaires. Dans un premier temps, Le Libertaire gardera le silence et lorsque, en 1897, la dimension que prit la campagne en faveur de la révision obligera le journal à rompre le silence, Sébastien Faure écrira : La personnalité de Dreyfus m’est indifférente. Comme officier, il appartient à cette caste d’individus qui commanderaient le feu contre moi et mes amis si demain la révolte s’affirmait. Sébastien Faure a certainement raison, pourtant, petit à petit, Le Libertaire va sortir de sa réserve, car la condamnation de Dreyfus dépasse ce personnage falot pour devenir un problème de droits de l’homme. Le Libertaire va alors organiser un meeting pour protester contre le huis-clos du procès. Auprès de Sébastien Faure et de Louise Michel, le militant anarcho-syndicaliste Tortelier dit tout haut ce que beaucoup d’ouvriers pensent tout bas : [...] Je ne veux pas laisser passer sans déclarer que les anarchistes n’ont qu’à se réjouir de ce que les dirigeants et les galonnés se mangent le nez. Tant mieux, tant mieux, Dreyfus et Esterhazy, je m’en fous.

Sébastien Faure

Cependant, Sébastien Faure a bien vu le profit que la propagande anarchiste peut tirer des affrontements de la classe dirigeante qui se déchire ! Le Libertaire du 4 septembre 1898 paraît avec ce titre : « Dreyfus est innocent », et Sébastien Faure écrit dans son journal : Je jetterai dans la mêlée mes ardeurs et mes colères, mes revendications et mes haines. Et il va tenir parole ! Le Libertaire va devenir le journal de la révision, même si Emile Pouget écrit dans Le Père Peinard d’un ton désabusé : On boucane bougrement autour de Dreyfus, des chiés types chialent sur son sort parce qu’il est riche ! Tandis que peu, bien peu, s’apitoient sur les misères qu’endurent les innocents à qui on vient de refuser l’amnistie. Opinion qui est bien près d’être partagée par Guesde et ses amis socialistes.

Curieusement, Le Libertaire va être la victime de ce mouvement irrésistible qui pousse les travailleurs à arracher le capitaine Dreyfus de l’Ile-du-Diable. En février 1899, Sébastien Faure abandonne Le Libertaire hebdomadaire pour lancer un quotidien : Le Journal du Peuple, qui va réunir les plus brillantes signatures des intellectuels qui, de près ou de loin, se réclament de la presse libertaire ! Attitude qui ne sera pas toujours appréciée dans les couches prolétariennes qui se réclament de l’anarchie. La disparition du Libertaire sera de courte durée, six mois au plus, et en novembre 1899, le journal reparaît.

 

Dans le premier numéro de cette nouvelle série, Louis Grandidier défend avec vigueur la participation des anarchistes au mouvement syndical. Cet article marque le tour différent que va prendre Le Libertaire. Insensiblement, presque naturellement, il va devenir l’expression des trois grands courants de l’anarchie : l’individualisme, l’anarcho-syndicalisme et le communisme-libertaire. Encore faudra-t-il attendre la fondation d’un nouveau journal : L’Anarchie, pour que, les individualistes l’ayant rejoint, les attaques contre le syndicalisme s’estompent. Dans les colonnes du Libertaire, une rubrique nouvelle est ouverte : « Les grèves », qu’Yvetot, secrétaire de la Fédération des bourses du travail, rédigera. Depuis ce jour, une page du Libertaire va être consacrée aux luttes ouvrières et au développement des organisations syndicales. Celles-ci occupent encore de nos jours une place importante dans les feuilles du journal.

Madeleine Vernet

Mais l’Anarchie se veut universelle, dans le sens où elle propose aux hommes une société différente qui englobe toutes les activités humaines. Moins tranchant que Les Temps nouveaux de Jean Grave, Le Libertaire de Sébastien Faure ouvre ses colonnes aux activités multiples des anarchistes. Paul Robin y développera ses conceptions néo-malthusianistes, Madeleine Vernet défendra la limitation des naissances. Le journal va participer au développement des Universités populaires tout en préconisant une culture anarchiste à travers la culture populaire, et en dénonçant les dangers de négliger la première au profit de la seconde. Et c’est avec amertume que, dans le premier numéro de janvier 1913, un militant dénonce cette culture qui annihile la force de révolte des travailleurs qui viennent assister aux cours. Ce qui est encore vrai de nos jours.

Les problèmes de l’enseignement sont une des préoccupations constantes du mouvement anarchiste. Le Libertaire va être le support naturel de l’expérience tentée à travers la Ruche par Sébastien Faure, qu’il définira comme « l’école de demain » face à l’école chrétienne et à l’école laïque, rejoignant ainsi l’expérience similaire de Francisco Ferrer à Barcelone. L’intérêt des anarchistes pour le mouvement coopératif est constant : réminiscence de l’enseignement de Proudhon ou désire d’échapper à l’exploitation du capital ? Les deux, probablement. C’est un anarchiste, Daudé-Bancel, qui va être le théoricien de ce mouvement coopératif qui, dans le nord de la France comme en Belgique, va prendre un développement considérable. Avec prudence, Le Libertaire va appuyer ce mouvement pendant quelques années et refléter l’illusion de la coopérative de production qui se voulait un oasis au sein d’une économie capitaliste, erreur qui la conduira à l’impasse et qui est encore celle qui guette l’autogestion placée de nos jours devant le dilemme par des hommes qui n’ont pas encore compris que le socialisme ne peut être que le fruit d’une révolution sociale ayant aboli les classes !

Georges Yvetot.

Violemment hostile à l’État, Le Libertaire sera farouchement antimilitariste. Il donnera une large place au Congrès contre la Guerre qui se tiendra à Saint-Etienne en 1905 et que deux de ses rédacteurs : Georges Yvetot et Miguel Almereyda, animeront. Dans ses colonnes, une discussion animée va s’engager entre ceux qui, comme Kropotkine et le docteur Pierrot, sont partisans, sous certaines conditions, de la défense de la démocratie, ceux qui, comme Libertad et Paraf-Javal, sont pour l’insoumission totale, et les anarcho-syndicalistes, comme Yvetot et Pouget, qui préconisent la lutte au sein de l’armée et la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile – ce qui deviendra la position adoptée par le syndicalisme-révolutionnaire, avant d’être celle de Lénine, Trotsky et consorts. L’été 1914, devant la mobilisation générale, l’histoire tranchera et nous retrouverons quelques-uns de ces plus farouches révolutionnaires sur la ligne bleue des Vosges, cédant, il faut bien le constater, à un mouvement d’opinion irrésistible. C’est au cours de ces campagnes contre l’armée que nous verrons apparaître pour la première fois dans les colonnes du journal le nom de Louis Lecoin, qui commence une longue marche qui le conduira, de prison en prison, à la grève de la faim et au statut de l’objection de conscience. Jusqu’à la déclaration de la Première Guerre mondiale, Le Libertaire demeurera irréductiblement antimilitariste, et seul Almereyda rejoindra la position de Pierre Kropotkine. Le mouvement anarchiste paiera durement pendant la guerre sa fidélité à ses idées et il fournira le gros de ceux qui seront fusillés pour l’exemple ou qui iront pourrir dans les bagnes militaires.

Quelques années avant la Première Guerre mondiale, les illusions se sont envolées. Nous sommes à une époque où le doute sur l’instauration d’une société socialiste libertaire, à la suite d’une révolution violente, gagne les esprits. Ce fléchissement à peine perceptible de la pensée révolutionnaire va conduire un certain nombre de militants anarchistes vers les « milieux libre » et vers l’« illégalisme » qui, parfois, se confondent. Le Libertaire suivra ce mouvement d’opinions avec beaucoup de prudence. Un de ses rédacteurs aura un jugement sévère sur les « milieux libres » à la suite de la disparition de la colonie libertaire l’Essai. Il écrira, dans le numéro d’avril 1909 : Après cinq années d’efforts, de ridicules privations, d’imbéciles froissements, cette tentative vient de s’effondrer lamentablement... Peut-être eût-il mieux valu qu’elle ne fût jamais. Paroles pleines de bon sens, qui n’empêcheront pas, de nos jours, toute une jeunesse issue des journées de juin 1968 de se livrer à nouveau, malgré nos mises en garde, à de telles âneries !

Georges Pioch

A propos de l’« illégalisme », Le Libertaire sera plus nuancé. Le commentaire qui paraîtra dans les colonnes du journal s’appliquera plus à commenter qu’à justifier, même si Lephay avait, dans le numéro de mai 1896, présenté Emile Henry comme un « précurseur ». Parlant de Jacob, apôtre de la reprise individuelle qui conduira quelques-uns des nôtres en prison, Georges Pioch écrit qu’il est un beau spécimen de virilité, de raison libre, et, relativement au meilleur monde que nous élaborons, une leçon d’apôtre catégorique opérant dans l’immédiate réalité.

L’odyssée des « bandits tragiques » va également placer les rédacteurs du journal dans une position difficile. Il faut dire que c’est dans les colonnes de L’Anarchie qu’ils trouveront leurs plus chauds défenseurs, sous la plume de Lorulot, Armand, Mauricius. Jean Grave, dans Les Temps nouveaux, prend violemment à partie Bonnot et ses amis : De tels actes n’ont rien d’anarchistes, ce sont des actes purement et simplement bourgeois.... Le Libertaire se montrera moins catégorique, tout en refusant d’approuver, car de tels actes ne constituent pas un facteur d’affranchissement social..., déclare Pierre Martin dont le titre de l’article : « Héroïsme illégal et banditisme légal » souligne bien l’ambiguïté du journal devant ce problème brûlant, ce qui ne l’empêche pas de reconnaître du courage à Bonnot et à ses compagnons.

 

Pendant ces vingt années qui précèdent la Première Guerre mondiale, Le Libertaire ne sera jamais le journal d’une organisation. Fondé par Sébastien Faure – qui le fera vivre avec les bénéfices que le grand orateur retire de ses tournées de conférences – il deviendra insensiblement le journal d’une équipe qui a vocation de présenter tous les groupes anarchistes qui se font et se défont à une cadence vertigineuse. Même lorsque, vers 1912, il aura puissamment œuvré pour que se constitue une première organisation anarchiste avec un semblant de structure (la Fédération révolutionnaire communiste), il faut voir quel luxe de précautions prennent Pierre Martin et A. Dauthuille pour parler des militants de cette organisation, nos amis de la F.R.C., de manière à ne pas donner à penser que le journal puisse être devenu celui d’une organisation.

Jean Grave

Naturellement, la tolérance de ce Libertaire première manière pour tous les courants de la pensée anarchiste ne l’empêchera pas de se laisser entraîner à des polémiques vigoureuses avec Les Temps nouveaux de Jean Grave et surtout avec La Guerre sociale d’Hervé ! Au cours des années, le syndicalisme a pris de plus en plus de place dans les colonnes du journal et le tout s’en ressent. On peut ainsi lire sous la plume de Pamphile, qui n’est autre que Vergeat – un brillant syndicaliste du bâtiment qui disparaîtra tragiquement avec Lefebvre et Lepetit en revenant d’une délégation en Russie en 1921 –, ce texte contre les individualistes. Il donne bien le ton du Libertaire de cette époque : [...] la gangrène d’un individualisme imbécile, étroit, plus vil que le conservatisme bourgeois parce que plus hypocrite et qui tuerait l’idée anarchiste si l’idée pouvait mourir, les autres organes de Paris étant tombés, les uns dans le militarisme le plus dangereux, sans parler de son étatisme, les autres dans la crapule antisémite. Bien sûr, le militant révolutionnaire n’est pas tendre avec Les Temps nouveaux et La Guerre sociale, mais il s’agit d’un article que j’aurai volontiers signé des deux mains.

On retrouve dans les pages du Libertaire – qui ne sacrifiera pas à ce « vice impuni » qu’est la littérature et qui est le péché mignon des Temps nouveaux, le journal de Jean Grave – la signature de tous les militants de renom de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme du début de ce siècle tourmenté. Cependant, il reste un journal de militants. Sa dernière page est remplie de communiqués de groupes, d’annonces publicitaires destinées à faire vendre la littérature anarchiste. On y retrouve également l’inévitable appel aux souscriptions, qui permettent au journal de vivre, ce qui fera dire plaisamment à l’abbé Violette, au cours d’un débat public avec André Lorulot qu’il existe un point commun entre l’Eglise et les organisations anarchistes, c’est que toutes deux vivent de la quête.

Le journal reflète l’aspect de la presse de cette époque. Il est sobre, gris, compact. La technique de la presse n’a pas encore sacrifié aux titres flamboyants. Il est difficile de connaître son tirage exact. Entre cinq cents et mille abonnés probablement. Souscrivent, par les membres des groupes constitués, l’inévitable cohorte des professionnels de la lecture et les intellectuels intéressés par les idées libertaires. Le tirage dut rarement dépasser les cinq mille exemplaires vendus à la criée dans la rue ou au cours des innombrables réunions et manifestations organisées par les groupes. On peut penser que, comme de nos jours, Le Libertaire est lu par de nombreux responsables syndicaux, en professionnels des problèmes sociaux. Certains, d’ailleurs, y collaborent occasionnellement.

C’est naturellement la première page qui donne le ton au numéro du journal lorsque l’événement l’impose. La première page de L’Aurore, barrée par le « J’accuse » de Zola, définit bien ce que fut l’esthétique de la presse de l’époque devant la nouvelle à sensation. Le Libertaire ne dérogera pas à cet aspect dans ses premières pages destinées à frapper l’imagination, encore que ce fût la qualité de ses signatures plus que la recherche de la présentation qui signale l’importance du papier au lecteur. En bref, Le Libertaire, compte-tenu de ses moyens, est un journal « classique » pour son époque. Comment pouvait-il en être autrement, les travailleurs des imprimeries de cette époque ayant déjà une forte coloration libertaire !

Victor Méric (1921).

Aux collaborateurs déjà signalés, en dehors de Sébastien Faure dont on remarque en passant qu’il se contentera d’un titre sur quatre colonnes pour annoncer le « virage » à propos de Dreyfus, on trouve Fortuné Henry, adepte des « milieux libres », Bordes sur l’illégalisme, Malato sur la révolution, Labrousse sur l’organisation, Guérard, que je connaîtrai lorsque j’adhérerai à l’Union anarchiste, après la Première Guerre mondiale, Pierre Martin, qui sera l’âme du journal, Dauthuille, Janvion, ainsi que tous les syndicalistes de renom depuis Pouget, Vergeat, Lepetit, et quelques hommes de lettres, collaborateurs occasionnels : Augustin Hamon, Victor Méric, Georges Pioch, Laurent Tailhade, Han Ryner. Mais plus que les noms qu’on y trouve, ce sont ceux qui sont absents qui soulignent le véritable caractère du journal anarchiste qui se veut pluraliste, ce qui parfois déplaît dans nos milieux. Il faut souligner cependant que dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, la tendance anarcho-syndicaliste gagne du terrain dans ses colonnes !

 

La déclaration de guerre va sonner le glas du journal de Sébastien Faure. La jeune organisation anarchiste disparaît, noyée dans la tourmente ; quelques anarchistes comme Martin, Lecoin et Ruff sauveront l’honneur, et d’autres, dont il est inutile de rappeler les noms, plongeront dans un néo-malthusianisme délirant. La plupart, le dos courbé, suivront le cortège. Ceux qui refuseront de marcher dans les clous finiront au bagne ou devant les pelotons d’exécution. Une page est tournée. Le journal est obligé de se taire. Pour un temps, sans plus ! Dès 1919, Le Libertaire, l’increvable Libertaire, va reparaître avec une nouvelle génération de rédacteurs et de lecteurs endurcis dans les tranchées et les prisons, et ils vont inscrire un nouveau chapitre au journal des anarchistes : Le Libertaire IV [1].


[1Pour l’histoire du Libertaire de cette période, consulter, en dehors de la collection du journal de la Bibliothèque nationale, le premier tome de l’ouvrage de Jean Maitron : Le Mouvement anarchiste en France, des origines à 1914.