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Les Anarchistes et le problème social - Services publics

Illustration : Kontrapatria

samedi 9 mars 2024

SERVICE DE LA STATISTIQUE :

Le service de la statistique, avec lequel tous les secteurs de l’activité économique et sociale seront en rapport, jouera un grand rôle dans la société fédéraliste libertaire.

Dans chaque commune, il sera créé un « service local de la statistique ». Il aura pour tâche de tenir constamment à jour un état de la production et des possibilités de celle-ci dans toutes les branches, ainsi que des besoins exprimés par les consommateurs et les usagers.

Les consommateurs faisant connaître leurs besoins par la coopérative, et les usagers par la commune libre.

Tous les organismes de production, de distribution, de main-d’œuvre, de l’état civil, toutes les administrations devront communiquer à ce service tous les renseignements les concernant.

Parce qu’elle groupera tous les renseignements, qu’elle pourra guider chaque service et chaque branche de production, la « statistique » sera l’office auquel recourront tous les secteurs de l’activité humaine pour obtenir les données nécessaires à la coordination des efforts communs.

Le service de la statistique participera aux travaux du conseil économique local.
Toujours par le même processus que pour les autres organisations, les services de la statistique, groupés par région, constitueront le « service régional de la statistique ». Et ces derniers, groupés entre eux, formeront les « services interrégionaux de la statistique », qui engloberont tout le territoire.

Grâce aux données précises qu’il pourra fournir à tous les organismes, le service de la statistique évitera le gaspillage de force auquel nous assistons aujourd’hui. Aucune activité rivale ne subsistera et les efforts déployés le seront en fonction des chiffres exprimant les besoins.

SÉCURITÉ INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE :

Dans toute société un problème se pose : garantir à chaque individu la jouissance de sa liberté, celle-ci étant limitée par la liberté d’autrui.

Il faudra donc, tout d’abord, se prémunir contre les individus dangereux. Ce qui constitue la sécurité individuelle.

Puis, il y a lieu de prévenir également les accidents tels que incendies, cataclysmes (inondations, tremblements de terre, etc.). Ce qui constitue la sécurité collective.

Sécurité individuelle :

Certaines mesures sont à envisager sur le plan communal. « Chaque commune élaborera sa réglementation propre », et le problème étant le même pour tous, il est vraisemblable que cette réglementation sera la même partout.

Le contrôle de cette réglementation sera exercé par la commune. Les membres du conseil communal étant contrôlés par le peuple et révocables en tout temps, aucun organisme dictatorial ne pourra s’ériger.

La société libertaire reposant sur la parfaite égalité économique et sociale, la plupart des délits actuels n’auront plus de raison d’être. La réglementation en matière de sécurité individuelle sera donc limitée aux bons rapports des habitants de la commune, à la circulation, etc.

Cependant, des individus dangereux subsisteront malgré tout et, quoique moins fréquentes, des actions telles que meurtres, incendies volontaires, etc., pourront être commises.

Ils seront considérés comme anormaux et devront être mis hors d’état de nuire, dès les premières manifestations de leurs instincts nuisibles. La médecine devant, ici, se substituer à la violence répressive, ils seront traités dans des centres psychiatriques. La peine de mort sera abolie.

On s’efforcera de les rééduquer pour les rendre à la vie normale. En cas d’impossibilité, ils demeureront internés.

Sécurité collective :

Dans chaque commune seront formées des équipes de sécurité pour combattre les incendies, les inondations, etc., et pour secourir les victimes de ces désastres.

Dans les communes importantes, ces services seront assurés par des équipes entraînées à cet effet dont les membres seront groupés par corps de sapeurs-pompiers. Ces hommes en feront un métier, « et leur organisation n’épousera pas la forme militaire ».

Dans les communes de moindre importance, ces équipes seront composées de volontaires. Un roulement pourra être établi. Les membres de ces équipes assureront la sécurité en dehors de leurs occupations ordinaires.

Le problème de la sécurité collective face au danger extérieur (dans le cas d’une révolution qui ne serait pas mondiale et que d’autres pays voudraient réduire) sera examiné dans le chapitre consacré à la défense de la révolution.

Liberté d’expression :

La liberté d’expression, de pensée, de réunion est un des biens sur lesquels la société libertaire veillera le plus jalousement. Toutes les opinions pourront être librement exprimées. Toutes les thèses pourront être confrontées par la parole ou par l’écrit.

Une seule restriction : en période révolutionnaire, il ne saurait être admis que la jouissance de ces libertés soit un moyen de propager des doctrines tendant à restreindre ou à détruire la révolution.

C’est donc seulement pour la préservation même de la liberté qu’il y aura lieu, « en cours de révolution », et pendant cette seule période, d’empêcher toute propagande organisée tendant à répandre des théories susceptibles de faire revivre une société basée sur l’autorité et le profit.

Nul obstacle à ce que des idées religieuses – compte tenu des réserves précédentes – puissent être exprimées.

Mais la religion ayant perdu sa raison d’être, qui est de prêcher la « soumission » aux autorités constituées : patronat et État, ne survivra pas au régime capitaliste et étatique. Et si la pensée religieuse, dans sa forme pure, peut survivre, les « institutions » religieuses, elles, seront balayées avec le régime actuel.

ÉTAT CIVIL :

Un service de l’état civil sera créé dans chaque commune. Il n’aura pas pour tâche de compliquer la vie individuelle par des immatriculations de toutes sortes. Sa mission principale sera de tenir à jour un état des naissances et des décès pour communication à la statistique. Le mariage aura disparu. Il aura disparu comme disparaîtront toutes les choses inutiles et hypocrites.

Le serment de fidélité que prêtent aujourd’hui les époux devant le maire n’a aucune portée sur la durée de l’union ou de l’affection. Le lien purement administratif que constitue la cérémonie du mariage ne peut pas être considéré comme un gage de stabilité des sentiments et de la bonne entente. De multiples exemples viennent quotidiennement justifier cette opinion.

Dans la société libertaire de demain, les communes demanderont aux intéressés d’informer le service de l’état civil dans le cas de cohabitation, et cela seulement dans le cas où l’union aura comme conséquence la procréation, devenue alors consciente.

Encore ne s’agira-t-il là que d’une simple déclaration devant se faire sans témoin.

HABITATION :

Chaque commune aura son service de l’habitation.

Les habitants de la commune exprimeront, dans leurs assemblées générales, « leurs besoins et leurs goûts » en cette matière. Ainsi ils orienteront l’industrie du bâtiment dans le sens qui conviendra à l’intérêt commun.

Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, les travaux entrepris ne le seront plus en fonction des profits destinés à des entrepreneurs, parlementaires ou autres conseillers municipaux. Tous les efforts seront déployés en vue de réaliser le plus rapidement possible un confort relatif pour l’ensemble de la population.

Les plans seront, d’abord et toujours, soumis à la Santé publique, afin que toutes les maisons d’habitation soient faites selon les règles de l’hygiène et du confort. Dans le confort minimum nous citons : pièces largement aérées, eau, gaz, électricité, chauffage central, salle de bains, etc.

Le scandale des grandes habitations où ne logent que quelques personnes (ces personnes ayant d’ailleurs souvent plusieurs habitations) prendra fin, ce qui permettra, en attendant que chacun puisse avoir son habitation propre, de loger les personnes que l’on évacuera des taudis, lesquels seront immédiatement détruits.

Dans la commune rurale, il y aura également beaucoup à faire. Car, si l’habitant de la campagne a sur celui de la ville l’avantage de vivre dans une atmosphère généralement plus saine, il loge le plus souvent dans des maisons dépourvues du confort le plus élémentaire.
Dans la société de demain, la population paysanne jouira du même confort que celle de la ville.

Il est souvent parlé de la désertion des campagnes, mais rien n’est jamais fait pour inviter l’individu à y faire sa vie. Le gaz, l’électricité, l’eau courante, le chauffage central et la salle de bains sont autant de commodités dont le paysan est aussi digne que l’ouvrier ou l’écrivain.

LOISIRS :

Il est parfaitement faux de considérer le travail comme une vertu, et c’est encore là un des mensonges de la société capitaliste et autoritaire. Le travail est seulement le moyen normal de satisfaire pleinement les besoins et les goûts de chacun.

La lutte de l’homme dans ce domaine est d’ailleurs toujours une lutte pour obtenir une plus grande part de loisir, car c’est le loisir qui est un besoin vital. Dans la société fédéraliste, le développement du machinisme, d’une part, et l’accroissement de la main-d’œuvre, d’autre part - car il y aura accroissement de la main-d’œuvre du fait que tous les hommes valides travailleront à des choses utiles - réduiront le nombre d’heures de travail de chaque individu. Dans quelles proportions ? Il serait vain de les fixer à présent, ceci devant être établi par les services de la statistique. Mais ce que l’on peut affirmer, d’ores et déjà, c’est que la durée des loisirs s’en trouvera considérablement accrue.

Loisir n’est pas forcément oisiveté. C’est la possibilité pour chacun d’obtenir des satisfactions personnelles par des activités dont le bénéfice peut très bien ne pas être directement profitable à la société. Les uns préféreront la marche, l’athlétisme, le sport. D’autres le jardinage, le bricolage (quelquefois générateur d’inventions inattendues). D’autres voyageront, écriront, peindront. Chacun sera parfaitement libre d’employer son temps comme iI l’entendra, en dehors des heures dues à la production des richesses communes.

Des groupes pourront se former, par affinité. Ces associations ne seront plus, comme aujourd’hui, entachées d’esprit de lucre, ni entravées dans leur action par des contraintes économiques, politiques ou religieuses. Les membres d’associations sportives pourront y mesurer leurs performances sans que l’esprit de compétition y règne.

C’est dans le cadre communal que ces activités si diverses se manifesteront d’abord, mais les asso-ciations affinitaires ainsi constituées se fédéreront souvent régionalement ou interrégionalement pour le plus grand bénéfice et la plus grande joie de tous.

COMMUNICATIONS - RADIODIFFUSION :

Nous entendons par « communication » tous les services permettant de communiquer d’un endroit à un autre, sans qu’il soit nécessaire de se déplacer.

De grandes améliorations seront apportées à ces services dans la société libertaire.

Nous devons pourtant reconnaître qu’en France la poste est aujourd’hui le service public le mieux organisé et que c’est celui qui appellera le moins de transformations. C’est probablement parce que c’est l’organisme qui se rapproche le plus de nos conceptions, en ce sens qu’il est constamment en contact direct avec le public.

Le service des communications aura son conseil d’usagers à tous les stades de l’organisation sociale : communal, régional et interrégional.

Tout comme l’Enseignement aura sa Fédération de l’enseignement, le Service des postes aura sa Fédération postale qui s’étendra à tout le territoire.

Plus que n’importe quel autre service, celui des Postes exécute un travail dans lequel l’isolement administratif des cellules de base est impraticable. En effet, le moindre bureau de poste d’importance secondaire est en relation avec le monde entier et, de ce fait, on ne peut dissocier l’action d’une partie de ce service de celles de tous les autres.

La Fédération postale, bien qu’autonome dans l’accomplissement de sa tâche, fonctionnera sous le contrôle des communes fédérées.

Tout sera mis en œuvre pour que l’habitant des campagnes ne soit pas défavorisé par rapport à celui des villes. Le téléphone, par exemple, sera mis partout, jour et nuit, à la disposition des usagers.

Le transport des lettres sera gratuit, de même que l’usage du télégraphe ou du téléphone.

Pour ce qui est de l’installation gratuite du téléphone privé, si elle est à envisager, elle ne sera possible que lorsque la production se sera intensifiée. En attendant cette abondance, l’installation chez soi d’un téléphone sera du ressort de la collectivité, pour les priorités professionnelles. Par ailleurs, le nombre des postes publics sera extrêmement important.

La radiodiffusion sera attachée au service des communications. Elle sera, avec la télévision qui l’enrichira, non seulement le moyen d’augmenter la somme de satisfaction qu’on lui connaît déjà : théâtre, musique, causeries, etc., mais encore un important facteur d’éducation et de culture intellectuelle.

Les programmes radiophoniques établis avec le concours de la Fédération de l’enseignement et les associations de loisirs, tendront à élever le niveau moral et culturel.

Les aspirations des auditeurs seront transmises par les associations d’auditeurs directement aux services des postes émetteurs, qui devront en tenir compte dans le choix de leurs émissions. Et le nombre des postes émetteurs sera considérablement augmenté, de façon à obtenir une plus grande variété de programmes et satisfaire ainsi tous les goûts.

La culture individuelle et le nouveau milieu social auront élevé les esprits. Aussi ne fait-il aucun doute que les auditeurs ayant leur mot à dire dans le choix des émissions, celles-ci ne soient plus riches qu’aujourd’hui.

L’ENSEIGNEMENT :

L’enseignement sera organisé sous un double aspect, répondant au principe fédéraliste et au caractère professionnel que le corps enseignant, seul, est qualifié pour développer.

1 - Des commissions locales, régionales et autres feront connaître les besoins des populations et étudieront les possibilités matérielles et la gestion.

  • a - Dans le cadre de la commune, un conseil composé de délégués du corps enseignant, des parents et anciens élèves, du corps médical et de représentants communaux s’occupera du soin des enfants, des locaux, du matériel scolaire, et soumettra les suggestions à la fédération régionale ;
  • b - Dans le cadre de la région, un conseil composé d’une façon analogue au conseil communal groupera les délégués des communes, du corps enseignant, du corps médical et des groupements des autres catégories de travailleurs. Il s’occupera du matériel, des locaux, des enseignements du ressort de la région (technique, secondaire, universités, instituts), des écoles d’orientation professionnelle, des anormaux et des échanges d’élèves entre régions ;
  • c - Un « Conseil interrégional de l’enseignement » embrassera tout le territoire et prendra plus particulièrement à sa charge les universités et les échanges intellectuels et artistiques d’enfants et d’étudiants entre les diverses régions ou les autres pays, s’il y a lieu.
  • 2 - Les organisations (correspondant aux coopératives de production) des membres de l’enseignement, fédérées en une Fédération de l’Enseignement, s’occuperont de la partie « technique » : programmes, méthodes, éditions, préparation des maîtres, organisation du travail.

Le but de l’enseignement doit être de former un ensemble harmonieux, physique, moral et intellectuel. Le maître doit s’imposer le devoir de former un homme éclairé et libre de tous préjugés.

Les principes de base de l’enseignement sont les suivants :

  1. L’éducation basée sur la connaissance psycho-biologique de l’enfant ;
  2. Une constante relation avec le corps médical ;
  3. Une éducation visant à la formation d’êtres libres, harmonieux (éducation morale, intellectuelle, physique à la fois) ;
  4. Une atmosphère de liberté permettant à l’enfant de participer à l’élaboration du plan de travail, faisant du maître un guide qu’on sollicite et non un chef.

L’éducation morale formera un être libre, mais aussi, conscient de sa responsabilité, de l’effort et du goût du travail bien fait. Elle développera encore en lui le sens de la modération et de la solidarité envers ses camarades et tous les êtres vivants, et lui apprendra à bannir l’esprit de rivalité et d’ambition.

L’enseignement se fera dans des classes mixtes, ce qui facilitera la tâche du corps enseignant pour une éducation sexuelle qui, dès le jeune âge, est indispensable à l’équilibre du corps et de l’esprit.

L’éducation intellectuelle doit développer la probité, l’esprit critique et un juste raisonnement. L’enfant acquiert, en classe, les connaissances fondamentales mais, en sortant de l’école, il vaut mieux qu’il ait appris à s’instruire par lui-même, qu’il ait le goût de la lecture et des lectures sérieuses, de l’observation, et qu’il sache déjà démêler, par une série d’exercices, auxquels il sera accoutumé, la vérité de l’erreur.

Enfin l’éducation physique se poursuivra au cours des études, mais dégagée des abus auxquels la mode a donné lieu.

L’émulation est nécessaire au sport, mais elle ne doit pas se transformer en esprit de compétition. L’esprit de compétition est un héritage du Bas-Empire et des États totalitaires, destiné à canaliser les énergies, à les détourner d’autres préoccupations plus utiles, de caractère social par exemple.

Pour l’enfant, le sport doit avoir pour but le développement harmonieux de son corps, le rendant agile et apte à tout.

Dans ses grandes lignes, l’enseignement pourra s’échelonner de la façon suivante :

  1. Jusqu’à 6 ans : jardins d’enfants ;
  2. De 6 à 11 ans : enseignement primaire ;
  3. De 11 à 15 ans : orientation différente suivant les aptitudes.

Toutes facilités seront données à l’enfant pour, s’il est reconnu apte, s’orienter vers les universités, car la société a besoin de savants et de penseurs.

L’université est ouverte à tous, et chaque enfant doit toujours pouvoir passer d’un cycle à l’autre au cours de ses études, si ses aptitudes se modifient.

Pareillement, un apprenti ou un ouvrier pourra entrer à l’université sans qu’il soit exigé de titres préalables.

Par contre, les jeunes gens des universités apprendront un métier manuel de leur choix, en y consacrant par exemple une année. De sorte que, dans le cas où leurs études se révéleraient stériles, ils puissent participer manuellement à la production des richesses communes.

SANTÉ PUBLIQUE - ENTRAIDE SOCIALE :

Dans chaque localité – au canton, lorsqu’il s’agit de très petites communes – fonctionnera un service de la Santé publique. Il veillera à ce que toutes mesures d’hygiène publique soient prises lorsque celles-ci s’imposeront.

Il aura à sa disposition – même dans les communes rurales – tout le personnel sanitaire désirable et toutes installations radiologlques ou autres pouvant faciliter sa tâche. C’est sous son contrôle que se fera la distribution des produits pharmaceutiques.

Des hôpitaux, des préventoriums, des sanatoriums, munis du matériel le plus perfectionné, dotés de laboratoires richement outillés, seront construits en grand nombre. Le nombre des établissements de bains, douches, piscines, sera considérablement accru.

La campagne, tout comme la ville, sera munie de tout ce que nécessiteront l’hygiène et la santé publique. Nous n’assisterons plus au spectacle pénible, et si fréquent dans les communes rurales, de l’attente interminable du médecin dans des cas urgents, attente due au fait que le praticien habite trop loin ou est surchargé de travail.

La carrière médicale étant ouverte à toute personne dont le goût et les aptitudes permettront d’y accéder, elle aura cessé d’être réservée, comme aujourd’hui, à une seule minorité privilégiée par la fortune. Il en résultera un accroissement du nombre des médecins et une sélection plus judicieuse dans ce domaine, sélection dont le public goûtera tous les bienfaits.

D’autre part, on peut être certain que grâce à l’abondance des produits consommables et du confort des maisons d’habitation, des conditions de travail beaucoup plus saines qu’aujourd’hui, il y aura bien moins de malades que dans le monde actuel. D’autant plus qu’il sera procédé à une vulgarisation des mesures devant prévenir des fléaux comme le cancer, la syphilis ou la tuberculose. Ajoutons à cela que, au lendemain de la révolution, les soins étant devenus gratuits, et le médecin devenant alors un consommateur ayant les mêmes droits que tous les autres, il n’aura plus d’intérêt, comme c’est le cas aujourd’hui, à avoir un grand nombre de malades et à multiplier le nombre des visites médicales.

Dans la société actuelle, il est souvent difficile de prouver que le médecin fait le maximum pour activer la guérison, son intérêt personnel demeurant lié à la durée de la maladie.

Les services locaux – ou cantonaux – de la Santé publique se grouperont par région et constitueront des « Fédérations régionales ». Celles-ci, groupées à leur tour, formeront la « Fédération interrégionale des services de la Santé publique » pour l’ensemble du territoire. Au sein de cette fédération se formeront des organismes groupant à tous les échelons les travailleurs par spécialités professionnelles.

Comme nous l’avons vu par ailleurs, les services de la Santé publique seront en rapports suivis avec la Voirie et l’Habitation.

L’Entraide sociale sera un service annexe de la Santé publique.

L’« Entraide sociale », aujourd’hui souillée par l’usage qu’on en a fait dans le langage officiel, deviendra demain la formule par laquelle chacun aura, aussi largement que possible, sa subsistance assurée.

Comme nous l’avons vu au chapitre de la consommation et du crédit, toute personne ne travaillant pas du fait de son âge ou de son état de santé conservera son droit de consommation, qu’il s’agisse de l’enfant, du malade ou du vieillard.

La charité, tant prêchée aujourd’hui, aspect hypocrite de l’égoïsme réel, camouflé sous les apparences d’une générosité trompeuse dans laquelle se complaisent les puissants de ce monde c’est, pour les uns, le « plaisir » de donner ; pour les autres l’humiliation de tendre la main ou simplement d’être contraints d’accepter. C’est, pour les premiers, l’opulence ; pour les seconds, l’indigence. C’est une sinistre carica-ture de l’entraide.

L’entraide véritable consiste à faire, pour notre prochain, pour notre semblable, ce que celui-ci peut être appelé à faire pour nous. L’entraide véritable, c’est : un pour tous, tous pour un. Le principe au nom duquel elle se pratique, c’est la solidarité, principe social et hautement moral, s’il en est.

Comme nous l’avons vu en traitant de l’enseignement, l’enfant sera soumis à un contrôle médical sérieux durant ses années scolaires.

Pour la période qui précédera la scolarité, des pouponnières seront mises à la disposition des mamans qui désireront continuer à travailler au dehors ; la fonction d’éducatrice – des nourrices – ne pouvant être exercée par la femme avec amour que si celle-ci s’y adonne volontairement, mais non point si l’exercice de cette fonction si noble lui est imposée par les circonstances.

Cependant, il n’est pas téméraire d’affirmer que le nombre des mères qui ne désireront pas rester chez elles pour élever elles-mêmes leurs enfants se fera de moins en moins grand, car la procréation sera consciente. Il faut tenir compte également que le fait d’avoir un enfant ne constituera plus une charge, mais deviendra, par contre, une source de joie. L’amour maternel sera une réalité plus courante qu’aujourd’hui. Et l’on pourra alors, sans hypocrisie ni amertume, parler des joies de la famille.

Pour les personnes n’étant plus en âge de travailler (ou n’y étant plus aptes) et désirant se séparer de leur entourage, des maisons de repos seront aménagées. Elles n’auront rien de ces ignobles « asiles » dont le monde capitaliste nous offre le triste spectacle. Dotées de tout le confort réalisable, elles seront édifiées dans des sites agréables et selon une grande variété de styles et de lieux, et nul ne sera tenu d’y séjourner plus longtemps qu’il ne le voudra.

C’est ainsi que les vieux travailleurs – manuels et intellectuels – goûteront largement, jusqu’à la fin de leurs jours, dans la joie et le repos, aux richesses communes que, par le labeur qu’ils auront fourni durant leur vie active, ils auront contribué à produire. La sécurité matérielle et le confort s’ajoutant aux satisfactions morales et intellectuelles, la vieillesse s’achèvera dans la plus grande félicité. Et ce sera justice.

DÉFENSE DE LA REVOLUTION :

L’histoire nous enseigne que la profonde transformation économico-sociales que nous préconisons ne peut être durable que si elle est universelle.

Pour que se réalise rapidement la fraternité humaine, pour que soit solide la construction de la société libertaire, il est nécessaire que la révolution soit mondiale.

La classe capitaliste donne raison à cet argument, d’ailleurs, quand, pour asseoir sa puissance, elle fait de l’internationalisme tout en prêchant, à l’usage des peuples qu’elle veut asservir, des idéologies nationales.

Mais sera-t-elle tout de suite mondiale, cette révolution ? Eclatera-t-elle partout en même temps ?Ce serait trop beau, encore que ce soit possible. Aussi devons-nous retenir toutes les hypothèses. Trois cas principaux peuvent se produire :

La révolution peut éclater dans un seul pays sans que les pays limitrophes soient affectés dans un sens ou dans l’autre et que, par là même, ils restent dans l’expectative.

Elle peut se déclencher dans plusieurs pays à la fois, et ces pays peuvent ne pas avoir de frontières communes.

Elle peut enfin se déclencher d’abord dans un seul pays et se trouver en lutte ouverte avec les pays limitrophes dans le cas où ceux-ci seraient les pires ennemis de la cause populaire.

Par contre, une chose peut être affirmée sans réserve : que la révolution éclate dans un pays ou dans un autre, d’une façon ou d’une autre, le fait qu’elle ne touchera d’abord qu’un seul peuple n’implique pas du tout qu’elle soit vouée à l’échec. Pourtant, si elle veut atteindre son but, devenir universelle, il lui faudra se développer et accomplir son œuvre de transformation et de libération.

Le grand danger n’est pas qu’elle soit « momentanément » localisée, il est surtout dans une « localisa-tion » qui durerait trop longtemps. Car alors, au danger d’ordre extérieur et militaire viendrait s’ ajouter la difficulté de la vie intérieure et économique.

La révolution localisée doit donc être envisagée comme le commencement de la révolution universelle. Elle devra donc s’étendre, et elle le pourra.

D’abord par la meilleure des propagandes : celle du prestige qu’auront les réalisations révolutionnaires auprès des masses populaires des pays voisins.

Ensuite par la propagande normale : radio, organisations diverses qui, dans les pays voisins, répandront les principes fédéralistes et déclencheront même un mouvement révolutionnaire au moment opportun.

Tous les moyens susceptibles de provoquer une extension de la révolution devront être employés. Une révolution digne de ce nom ne peut faire autrement que de semer la contagion révolutionnaire.

Il est bien évident que son extension au-delà de ses frontières sera subordonnée au degré de maturité sociale des peuples voisins. C’est pour cela que tout sera mis en œuvre pour attirer l’attention des masses populaires des autres pays.

Mais que l’on comprenne bien. Il ne saurait une seconde être question de « conquêtes révolutionnaires » se traduisant par la mise en action d’une armée partant pour « libérer » les peuples opprimés.

Nos principes sont formels :

On va au secours d’un peuple en révolution. On lui apporte, si sa condition est assez avancée, si sa volonté de transformation a été pleinement démontrée, toute l’aide dont on est capable pour l’aider à vaincre l’adversaire qu’il n’a pu abattre par ses propres moyens.

Il est possible que les nécessités de la lutte pour la défense révolutionnaire contraignent les défenseurs de la révolution à pénétrer dans des territoires voisins. La contagion révolutionnaire jouera à coup sûr.

Mais on n’a pas le droit, sous prétexte de briser les chaînes d’un peuple qui n’a pas jugé utile d’essayer de se libérer, de lui imposer une « libération » qui ne serait alors plus rien qu’un acte d’autorité.

Toutes ces considérations étaient nécessaires avant d’aborder le fond du problème.

Car il faut que le lecteur sache bien que, lorsque nous traitons du problème de la défense de la révolution, nous entendons par là la protection des territoires ayant fait leur libération sociale, leur révolution, contre les dangers venant de l’extérieur, et pouvant même se manifester à l’intérieur en période de transformation.

L’organisation de cette défense aura donc une toute autre signification que celle des régimes actuels, dont l’appareil soi-disant défensif est souvent – pour ne pas dire toujours – conçu dans des buts offensifs.(A l’extérieur, pour des fins impérialistes ; à l’intérieur, pour opprimer le peuple, le maintenir en état de sujétion.)

Notre défense, la défense de la révolution, ne s’entend que durant la période qui précédera l’universalisation de la société libertaire. Cette nouvelle communauté, satisfaisant largement les besoins de tous ses membres, tant sur le plan moral que matériel, n’aura jamais, par la suite, à craindre le danger intérieur.

 

Au chapitre du crédit, nous avons dit quelques mots des expédients d’ordre économique auxquels la société libertaire pourrait recourir dans le cas d’une révolution momentanément localisée. Mais si la révolution éclate tout d’abord dans un seul pays, elle aura vraisemblablement contre elle toutes les nations voisines. Et, si elle s’étend ou se généralise, partout, en face d’elle, se dressera son principal adversaire, le capitalisme bourgeois, qui ne négligera rien pour l’anéantir.

Indépendamment des intrigues de toutes sortes qu’il pourra tramer, cet adversaire se présentera fatalement sous la forme militaire. Le peuple en révolution aura donc devant lui une armée bien outillée, savamment organisée et déployant au mieux la science militaire. Et alors, quelle que soit, pour un peuple épris de liberté, son dégoût de la chose guerrière et des combats, il n’évitera pas les chocs meurtriers avec son adversaire tant que sa victoire ne sera pas définitivement établie.

Que pourra donc opposer le peuple en révolution à une force armée organisée ? Pour aussi regretta-ble que cela soit, il sera contraint, pour triompher, d’opposer à cette force une autre force armée. Il ne pourra pas ignorer la question militaire, celle-ci se posant du fait de l’adversaire. Il reste donc à résoudre cette question, en l’envisageant dans ses moindres détails.

Quand nous disons la « question militaire », notre antimilitarisme demeure toujours aussi vivant et nous voulons seulement parler du problème de la défense de la révolution dans le cadre « imposé » par l’adversaire, c’est-à-dire les opérations militaires. Mais le fait que, lors de leurs rencontres, les combats se présenteront sous la même forme pour l’un comme pour l’autre des adversaires, n’implique pas qu’ils soient obligés de s’organiser selon les mêmes méthodes. C’est en cela que, tout en mettant sur pied une défense armée, la nouvelle société ne fera pas de militarisme. Des centres de formation technique seront installés à cet effet dans les communes ou par cantons. Plus d’armée de métier, mais une nombreuse réserve d’hommes instruits des choses de la guerre. Seuls, des techniciens feront d’une façon permanente, mais par roulement, pour éviter le retour d’une caste rappelant cette armée de métier, un travail dans ce sens. Des laboratoires s’occuperont des découvertes scientifiques susceptibles de faciliter la défense.

Il est à souligner que, contrairement à ce qui se passe dans la société actuelle, où l’homme se bat presque toujours à contre-cœur, et, en tout cas, pour des buts qui lui sont totalement étrangers, dans la société libertaire, l’individu contraint de se battre, sachant pourquoi il le fait et sachant ce qu’il défend, trouvera dans sa foi révolutionnaire le génie qui remplacera avantageusement l’éducation militaire actuelle.

Nous pouvons citer comme exemple de cet argument, les volontaires de 1793, en France, et les partisans libertaires de Makhno en Ukraine, en 1917, ceux de 1936 en Espagne et l’importance de la lutte des partisans entre 1943 et 1944 en France contre les nazis.

Tous les moyens seront employés pour désagréger l’armée adverse en abaissant le moral de ses hommes et essayer de les gagner à la cause révolutionnaire : radio, tracts par avions, etc.

L’organisation de la défense se fera sans qu’il soit institué une hiérarchie s’accompagnant d’inégalité dans les droits individuels. Le commandant responsable technique des opérations d’une armée, en tant que dirigeant des opérations militaires, aura une autorité purement technique sur ceux qui lui seront subordonnés, mais ce ne sera pas l’autorité de la contrainte. Elle lui aura été accordée en raison de ses compétences, elle lui sera reconnue par tous les organismes de la défense, desquels il dépendra et dont les composants l’auront désigné. Les responsables militaires seront élus par les membres de l’armée. Les compétences, qui conduisent à certaines fonctions élevées par la responsabilité qu’elles supposent, ne donneront aucun droit spécial sur le plan économique et social. Ce n’est que dans l’exercice de ses fonctions que celui que l’on appelle aujourd’hui un « supérieur » conservera certaines prérogatives, mais il pourra être révoqué et remplacé à tout moment sur décision de ceux qui l’auront élu.

Le recrutement des combattants sera fait par le service local de la commune ou du canton suivant l’importance de l’agglomération, le fédéralisme étant respecté.

Un service régional de la défense sera constitué dans chaque région et se composera de l’ensemble des services locaux de la défense d’une même région.

Groupés entre eux, les services régionaux de la défense formeront le conseil de la défense qui embrassera tout le territoire. Il ne pourra qu’appliquer les décisions prises par les communes en fonction de la volonté de leurs membres.

La milice ainsi constituée n’aura donc aucun pouvoir sur l’administration civile et sera considérée comme service public soumis, comme tous les autres, à la volonté souveraine des communes fédérées. Dès que les opérations militaires seront terminées, elle sera dissoute et ne reparaîtra qu’en cas de besoin.

Nous pouvons être assurés que, pour une cause qui sera vraiment la sienne, pour laquelle il aura lutté, et dont il aura goûté les bienfaits, le peuple ne refusera pas de se battre.

CONDITIONS DE LA TRANSFORMATION :

Tout au long de cette brochure, nous avons exposé successivement les raisons pour lesquelles toutes les formes de société connues jusqu’à ce jour ne peuvent satisfaire qu’une minorité d’individus, quels sont les principes qui doivent animer la révolution, et comment se présentera la structure de la société fédéraliste libertaire.

Il nous reste maintenant à examiner les moyens de parvenir à sa réalisation. Et, d’abord, nous devons considérer comment se présente le problème.

Nous nous trouvons en présence d’un monde basé sur l’exploitation, l’injustice, la force et la ruse ; et nous voulons lui substituer une organisation qui rende l’emploi de la violence inutile, qui fasse disparaître l’iniquité et qui permette aux aspirations nobles de se donner libre cours.

Nous disons que si la société actuelle repose sur l’injustice, c’est que cette injustice est profitable à une partie de ses membres, à ceux que nous appellerons les « profiteurs du régime ». Et ces derniers ne peuvent pas souscrire à nos thèses, même s’il leur arrive de les trouver très belles, car le triomphe de notre idéal signifiera la fin de leurs privilèges.

Ces favorisés ne tiennent pas compte que la naissance de la société communiste libertaire, en mettant fin à leurs privilèges, améliorerait non seulement les conditions de vie de ceux qui sont exploités, mais encore les leurs ; et que leur propre existence serait beaucoup plus agréable que la pourriture dans laquelle ils se complaisent. Ils ne peuvent pas admettre que, s’ils perdaient cette notion puérile de supériorité que leur donne leur situation d’oisifs et de jouisseurs, ils connaîtraient sûrement, moyennant un apport relativement faible de l’effort commun, un standing de vie très élevé et une sécurité certaine, puisque dans un monde où la misère, l’injustice et l’ignorance auraient disparu, il ne saurait plus y avoir de revendications et de révoltes possibles. Un tel état d’esprit ne dispose pas ces accapareurs des fruits du travail d’autrui à accepter un changement de structure sociale dans le sens où nous l’entendons. L’histoire nous prouve que les classes exploiteuses et dirigeantes se soucient fort peu des volontés de la grande masse du peuple, et qu’elles se sont toujours dressées, par tous les moyens, même militaires, contre les mouvements populaires mettant leurs privilèges en danger. C’est par la violence légale que ces classes, pour se maintenir en place, s’Imposent à la grande majorité des individus. Et ce qu’il est convenu d’appeler, très hypocritement, dans le régime actuel, la « paix sociale », n’est autre chose qu’un état de guerre latent entre ceux qui exploitent et ceux qui sont exploités. Et si cette véritable guerre sociale, économique, se déroule généralement sans le fracas des armes, elle n’en constitue pas moins un cataclysme et fait d’innombrables victimes par les privations de toutes sortes qu’elle impose à la multitude. D’autres fois, c’est à la force réelle des armes que recourent les classes exploiteuses pour réduire au silence une population en état d’effervescence.

Mais, armée ou légale, c’est toujours la violence. Elle est donc bien l’apanage des régimes d’autorité et de profit.

Et alors, pour nous, se pose la grande question. Comment répondre à la violence si ce n’est par la violence ? Comment se défendre contre elle, sans employer les mêmes armes ?

Il est triste pour nous qui sommes contre le principe même de l’emploi des méthodes de violence, d’être obligés de constater que, si les classes exploiteuses ne renoncent pas à ces méthodes pour se maintenir, le peuple sera, fatalement, inexorablement, amené à y recourir également, s’il veut briser ses chaînes. Pour que la transformation sociale s’effectue sans heurts, sans violence, il faudra que les privilégiés du régime actuel, dans un geste fraternel et intelligent, renoncent à leurs privilèges. Or, nous savons que ce beau geste, il serait vain de l’attendre. Et que si, même, par le truchement du suffrage dit « universel », une telle volonté de transformation se manifestait, les usurpateurs et exploiteurs de tous calibres feraient encore tout, même le pire, pour sauver leurs prérogatives. La révolution espagnole de 1936 nous le montre bien. C’est, en effet, à la suite d’une consultation populaire demandant un profond changement de structure, que la bourgeoisie réactionnaire, aidée par l’armée, déclencha le pronunciamiento avec Franco pour chef. Le jour où le peuple aura compris que l’heure de sa libération a sonné, la violence révolutionnaire devra sans doute s’opposer à la violence d’un régime absurde qui se déchaînera vraisemblablement de façon inhumaine.

Par révolution, il faut entendre transformation.

Et notre principe reste, malgré toutes ces constatations, intangible : la violence révolutionnaire n’intervient que si une minorité s’oppose, par la force, à cette transformation.

Le peuple n’a rien à attendre de qui que ce soit, sinon de lui-même.

Ce n’est pas seulement en suivant tel homme, ou tel parti, qu’il mettra fin à l’exploitation qui pèse sur lui, à la contrainte qui l’étouffe et à la misère qui le guette.

C’est en mettant en pratique le coopératisme, l’associationisme ; c’est en donnant le jour aux diverses organisations populaires dont il a été parlé plus haut qu’il transformera la société et réalisera ainsi la liberté pour tous, dans la fraternité.

La mise sur pied des dites organisations suppose évidemment, et avant toute chose, la destruction complète, l’abolition totale de ce qui constitue l’édifice actuel.

Mais les dirigeants ne comprendront pas, ne voudront pas comprendre, ne voudront rien céder de leurs prérogatives. Et alors, la lutte s’imposera donc. Elle aura lieu dans tous les domaines à la fois, et tous les obstacles rencontrés devront être surmontés.

Pourtant, quand nous parlons de destructions, il ne faut pas entendre par là des suppressions de vies humaines ou de destructions de biens utiles à la vie (et combien paraissent inutiles parce que seulement mal employés !).

Ce qui est à détruire, ce sont les institutions, et non les hommes ou les choses. Et d’aileurs, notre point de vue est formel : le respect de la personnalité et de la vie humaine doit guider tous les actes individuels ou collectifs.

Cependant, pendant la transformation, il pourra arriver que, dans l’intérêt général, et malgré sa répugnance à le faire, la révolution soit amenée à mettre hors d’état de nuire des personnes qui, par leurs agissements antisociaux, compliqueraient à plaisir les réalisations en cours.

PRÉPARATION AUX CONDITIONS DE LA TRANSFORMATION DU MONDE :

Il est évident que ces conditions de la transformation ne peuvent être acquises que par un peuple parfaitement convaincu de son droit à l’existence, et par là même capable de déployer l’énergie nécessaire qui lui permettrait de détruire, d’un seul élan, le régime qui l’opprime.

Et alors, direz-vous, si le peuple n’est pas encore dans de telles conditions, comment peut-il prétendre y arriver ? Par quel moyen ? Et ne peut-il rien faire d’utile à sa cause, en attendant ?

C’est aux réponses à ces questions que va être consacré le dernier chapitre de cette brochure.

Et d’abord oui, le peuple peut faire quelque chose d’utile. Car nous considérons que si l’heure de la révolution n’a pas encore sonné, celle des revendications immédiates appelle dès à présent un rassemblement des forces, pour l’obtention d’améliorations matérielles et morales.

Par exemple : réduction de la durée du travail, augmentation des salaires, réforme de l’enseignement, etc.

Mais, pour être satisfaites, de telles revendications ne doivent pas employer les méthodes politiques. La lutte du peuple contre ses exploiteurs, si elle veut être efficace, ne doit pas se dérouler sur le plan politique, mais bien sur le plan « économique ».

Nous savons que les différents partis politiques dits « ouvriers » prétendent émanciper la classe ouvrière en la poussant à donner à sa lutte une forme politique qui, a priori, paraît plus pacifique et plus facile à mener. Mais les victoires politiques peuvent s’accumuler, la question économique, elle, n’est jamais résolue. Et donc, quand le peuple veut obtenir des avantages substantiels, il est toujours obligé de faire jouer, sous forme d’action directe, la puissance que, par son travail, il représente dans la production, c’est-à-dire dans l’économie.

Cette action directe se traduit jusqu’à présent sous la forme de grèves, d’occupation des lieux de travail, refus de livrer ses produits quand il s’agit du petit paysan, etc. Dans tous ces cas, le travailleur fait directement pression sur l’appareil économique, dont le fonctionnement est ébranlé par son inactivité.

C’est ici qu’intervient, de façon très importante, le rôle du mouvement syndical. La lutte du peuple travailleur, lutte dans laquelle les techniciens et de nombreuses professions libérales ont leur place, trouve son terrain le plus fertile dans le syndicalisme.

C’est par le canal de son syndicat que le travailleur, sans s’arrêter aux programmes des partis politiques, peut influencer les décisions de ses maîtres et déterminer leur attitude en conformité de ses aspirations.

Et, nous l’avons démontré dans le chapitre de la structure économique, nous considérons le syndicat comme la cellule de base de l’économie de demain.

Cependant, si nous admettons, et si même nous recommandons ces revendications sous forme syndicale, nous ne le faisons qu’en regard de la période actuelle. C’est-à-dire que nous les acceptons en attendant mieux, et seulement parce que, pour l’Instant, elles constituent une arme toute prête et facile à employer.

Mais nous posons en principe que notre idéal devra surtout tendre à des changements plus profonds dans le sens économique et social, car ces seules actions syndicales ne peuvent apporter que de petites améliorations dont les effets sont très limités et de courte durée, dans la plupart des cas.

Et, pour atteindre notre but, pour concrétiser notre idéal, nous comptons sur l’éducation et sur l’action.

La lutte contre l’oppression, la recherche de la liberté de l’homme, la construction du bonheur de l’humanité seront surtout efficaces si le militant est lui-même émancipé et s’efforce de propager dans la mesure du possible son point de vue révolutionnaire.

Il faut qu’il rejette tous les préjugés qui le prédisposent à l’acceptation de toutes les institutions qui l’oppriment, tant économiquement que moralement.

Il faut qu’il s’efforce de faire comprendre autour de lui à l’individu que tout ce qu’on lui a appris « par force » et « par ordre », que toute la fausse instruction qu’on lui a donnée, toutes les règles avec lesquelles on l’a ligoté ne servent qu’à le rendre esclave.

Ainsi, des hommes conscients et libres pourront promouvoir et inspirer la Révolution Sociale qui libérera l’Humanité.