Fin 1912 (du 30 novembre au 2 décembre) un autre (le 3e congrès d’unité syndicale auquel participent quelques 100 délégués représentant plus de 60 syndicats de la FORA, de la CORA et des autonomes. Presque tous s’accordent pour s’unir en une seule organisation prenant comme base le pacte de la FORA du IVe congrès (donc sans la recommandation du communisme anarchiste). Mais vu que la plupart des délégués avaient un mandat restreint, une commission est nommée jusqu’au congrès constitutif qui aurait dû se tenir quelques mois plus tard. Mais fin décembre, lors d’une réunion, la FORA décide brusquement qu’elle ne participera pas au congrès constitutif et conseille aux sociétés fédérées de ne pas concourir au congrès et de maintenir la FORA
car les bases présentées pour l’unification ne sont pas plus amples que notre propre pacte de solidarité
.
Les conflits pendant les années 1913-1914 sont très souvent des luttes défensives, l’Argentine connaît une grave crise économique et on compte plus de 100 000 chômeurs. Parmi les luttes, retenons les grèves des cheminots, menées par la Fédération ouvrière des cheminots (la FOF, qui était apparue lors des grèves de 1912) pour diverses raisons (licenciements, salaires), celle des conducteurs de trams de Rosario.
Les 27 et 28 juin 1914 se tient à Buenos-Aires le Ier congrès de « concentration ouvrière » de la CORA, qui compte 10 000 adhérents. Constatant le morcellement du mouvement ouvrier argentin, ce congrès pose à nouveau le problème de l’unité syndicale. Un pas en avant sera fait : on envisage une possible adhésion en masse à la FORA pour une action plus efficace de la classe ouvrière
, qui sera effectivement décidée lors du IIe congrès de concentration le 26 septembre. Entre temps, contact avec la FORA avait été pris : en effet, la condition implicite pour adhérer à la FORA était que celle-ci supprime de son pacte la recommandation du communisme anarchiste. A quoi le conseil fédéral de la FORA avait répondu que la propagande de celui-ci n’est pas obligatoire, chaque société pouvant l’appliquer ou non en fonction de ses intérêts ; mais qu’une telle recommandation pouvait être annulée lors d’un congrès.
Les syndicats de la CORA, ainsi que plusieurs syndicats autonomes rejoignent donc la FORA. Lors de son premier congrès (6-7 mars 1915) la puissante FOF, qui compte alors 15 000 adhérents décide aussi de rentrer à la FORA.
Du 1er au 4 avril 1915 se tient, dans une atmosphère très chaleureuse le IXe congrès de la Fédération ouvrière régionale argentine, tant attendu, y participent des délégués de 56 associations (y compris de nombreuses fédérations locales). Le premier débat abordé concerne la finalité de la FORA : après d’âpres discussions est adoptée par les trois quarts des organisations un texte qui fait perdre à la fédération son Caractère spécifiquement anarchiste : on peut y lire que la FORA (...) comprend diverses tendances idéologiques et doctrinaires (...) bien que ses actions doivent s’encadrer dans l’orientation révolutionnaire de la lutte des classes et de l’action directe. (...) La FORA refuse de se prononcer ou de conseiller l’adoption de systèmes philosophiques ou idéologiques déterminés
tout en encourageant la plus ample et tolérante discussion [sur ces thèmes] (…) afin de maintenir l’unité organique des ouvriers fédérés.
Le congrès prend ensuite diverses résolutions contre les trusts, contre le protectionnisme, pour le boycott comme la forme efficace de lutte, pour la création de caisses de résistance, contre la limitation de l’immigration, pour la grève générale, ainsi que de nombreuses motions sur d’autres thèmes (éducation, antimilitarisme, problèmes agraires, salaire minimum, etc.). Un nouveau conseil fédéral, où toutes les tendances, sont représentées, est élu.
Mais, à peine un jour après le congrès, la division renaît. La Protesta connue pour sa position anti-unioniste, se fait l’écho de ceux qui veulent une FORA anarchiste, ceux pour qui la finalité de l’organisation syndicale n’est pas seulement la recherche d’augmentations salariales mais aussi la réalisation du projet anarcho-syndicaliste. Le 2 mai, lors d’une réunion, une minorité de délégués anarchistes (représentant 21 syndicats) refusent de reconnaître le IXe congrès et résolvent de maintenir la déclaration du Ve congrès sur le communisme-anarchiste. Un conseil fédéral est nommé. Il y a désormais deux FORA : la FORA du IXe congrès dite « syndicaliste » et la FORA se réclamant du Ve congrès dite « quintiste » ou « communiste ». Pour le moment, la majorité des anarchistes décident de rester dans la FORA du IXe congrès.