Toutes ces grèves ont eu pour conséquence un grossissement considérable des syndicats, bien que les chiffres sur cette période soient très contradictoires. De toutes façons, il semble clair que, depuis 1915, l’anarcho-syndicalisme a perdu la supériorité numérique qu’il détenait depuis le début du siècle. Ainsi, 127 syndicats représentant 36 000 adhérents assistèrent au Xe congrès de la FORA « syndicaliste » fin 1918. Cette même organisation comptait 45 000 adhérents début 1919 et 95 000 en 1920. La FORA « communiste » (anarchiste) comptait 35 000 adhérents en 1919 et 70 000 en 1920. Mais, compte tenu du nombre encore important d’anarchistes dans la FORA « syndicaliste », on peut dire que les libertaires restèrent majoritaires dans les syndicats, au moins jusqu’en 1920.
Fin septembre-début octobre 1920 se tient un congrès extraordinaire de la FORA « quintiste », y assistent des délégués de 220 sociétés adhérentes et de 56 syndicats autonomes. Les participants décident de maintenir le système fédéraliste - fédérations locales et offices (alors que la FORA « syndicaliste » s’orientait vers un système de fédérations d’industrie). Après avoir adopté un nouveau mode de cotisations, la discussion passe sur le thème de la fusion : il est décidé que chaque fois qu’un projet d’union sera présenté, le conseil fédéral devra passer en référendum les syndicats adhérents sur ce projet pour décider si la FORA devra ou non l’adopter. Le congrès, après avoir confirmé le fameux paragraphe sur le communiste anarchiste par une large majorité, décide de renforcer la propagande parmi le prolétariat rural. Au point de vue international, il est décidé que la FORA appuiera tout pas permettant de créer une véritable internationale révolutionnaire (elle enverra des délégués à Berlin en décembre 1922 lors de la fondation de l’AIT, dont elle sera membre). La FORA « syndicaliste », elle, avait adhéré à l’internationale d’Amsterdam (FSI). Le congrès exprime aussi sa solidarité avec la Révolution russe.
Mais on touche là à un point délicat. Comme partout dans le monde, l’influence bolchevique fut importante en Argentine, faisant apparaître un courant autoritaire tant dans la FORA « syndicaliste », où de nombreuses sections font leur le projet marxiste-léniniste, que dans la FORA « quintiste » où surgit un courant « anarcho-dictatorial » qui causera de nombreuses polémiques internes.
Auparavant, la FORA « syndicaliste » avait eu de vives discussions avec le Parti socialiste qui voulait mettre sous son influence la Confédération ferroviaire, héritière de la FOF. Finalement, en octobre 1922, sera créée l’Union ferroviaire (UF), majoritairement acquise au PS et qui comptera 30 000 adhérents dès sa fondation.
Le XIe (et dernier) congrès de la FORA « syndicaliste » se déroule du 29 juin au 5 février 1921. En effet, après avoir rejeté, malgré l’insistance des communistes (bolcheviques) une éventuelle adhésion au Komintern, le congrès désigne un comité profusion chargé d’organiser un énième congrès d’unification. Ce congrès, qui a lieu début mars 1922 (la FORA « quintiste », n’ayant pas intégré le comité pro-fusion n’y participe pas) débouche sur l’apparition d’un nouveau sigle : USA (Union Sindical Argentina) qui n’est rien d’autre que la FORA du IXe congrès plus quelques syndicats autonomes. D’emblée, l’USA s’affirme révolutionnaire, primant l’action directe comme meilleur moyen du lutte contre le capitalisme et adopte la thèse « tout le pouvoir aux syndicats » en cas de révolution sociale, mais, on même temps déclare être l’unique avant-garde révolutionnaire du prolétariat argentin.