Les luttes en 1915-1916 sont relativement peu intenses, exception faite des grèves menées par 5 000 ouvriers-marins (dockers, conducteurs...) fin 1916, qui obtiendront satisfaction. mais où certains éléments de la FORA du IXe congrès adopteront des attitudes franchement réformistes. La réaction patronale dans les ports consistera en la création de syndicats jaunes, d’où de nouvelles grèves de dockers qui obtiendront satisfaction en avril 1917. De juin à octobre 1917 (puis en janvier-février et juin 1918), les cheminots mèneront de grandes grèves dans plusieurs dépôts. La grève générale, décidée par la FOF en septembre 1917, paralyse pendant 24 jours tout. le pays. Ces grèves auront une grande répercussion et susciteront de nouvelles luttes, surtout dans l’industrie en 1917 et 1918, ces années connaissant le plus grand nombre de grèves depuis 1907.
Ce qui n’est rien comparé à 1919. En effet, cette année est probablement le moment culminant de l’action des masses, surtout pendant les premières semaines de janvier lors des événements connus sous le nom de la « Semana tragica » (la Semaine tragique) : le 7 janvier, un incident se produit entre des ouvriers métallurgistes en grève de l’usine Vasena, à Buenos-Aires, et des jaunes. La police intervient et tire sur les grévistes, faisant 4 morts et 20 blessés. La FORA « communiste » appelle à une grève générale illimitée alors que la FORA « syndicaliste » appelle à une grève générale de 24 heures. Le 8 janvier, alors que 200 000 personnes assistent aux funérailles des victimes, la police décharge ses revolvers sur la foule, tuant 50 personnes et en blessant au moins 100. Le jour suivant, la grève est totale : la capitale est paralysée. Des barricades sont érigées et des armureries et des magasins sont pris d’assaut par les ouvriers. Trente mille soldats occupent Buenos-Aires ; des batailles ont lieu entre des travailleurs armés et la police et les escadrons de la Ligue patriotique. Le 10 janvier, la FORA « syndicaliste » signe un pacte avec le gouvernement, en promettant de faire cesser les grèves si les métallurgistes de Vasera obtiennent satisfaction et si les prisonniers politiques sont libérés. Mais elle n’est pas écoutée et, au contraire, la grève s’étend à toutes les grandes villes du pays. Pourtant, dès le 12 janvier, le mouvement commence à décliner pour finalement s’écrouler quelques jours plus tard. En une semaine, le bilan est tragique : plus de 700 ouvriers tués, 2 000 blessés, 50 000 arrêtés. De nombreux locaux sont fermés ; La Protesta est de nouveau interdite (et, le 6 mai, tous les journaux anarchistes le seront). Cette même année, les autres luttes sont aussi très intenses tournant autour de problèmes salariaux et de la semaine de 64 heures, exigée par la FORA du IXe congrès, ainsi que des actions contre un projet de loi réactionnaire finalement retiré. Il faudra attendre très longtemps avant de connaître une année aussi agitée.