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La société sans Etat - Le gouvernement présent

jeudi 13 octobre 2022, par Giovanna Berneri (CC by-nc-sa)

Aujourd’hui, que fait le gouvernement ? Il pompe l’argent de toutes les localités pour le redistribuer ensuite selon le critère de ses fonctionnaires, ou, mieux, selon l’intensité des pressions auxquelles ceux-ci sont accessibles.

L’afflux de richesse, qui des communes va à la capitale, retourne ensuite dans les communes, mais après que l’État en ait absorbé une notable portion pour son propre fonctionnement et pour les œuvres nécessaires à la sûreté de sa prédominance sur les citoyens.

Cela se passe exactement comme dans l’histoire du nègre à qui un missionnaire voulait faire comprendre pourquoi il était juste de payer les impôts. Il lui expliqua que le gouvernement, semblable à un père, le protégeait des ennemis, le soignait quand il était malade, le nourrissait quand il avait faim, éduquait ses enfants et que tout cela il ne pourrait pas le faire si chacun ne lui payait pas sa part. Le vieux nègre resta pensif. Puis, il dit : J’ai compris. C’est comme si mon chien venait me trouver et me dise : Maître, j’ai faim et que je lui réponde : Oh, cher et fidèle compagnon, je vois bien que tu as très faim. Je vais y remédier. Alors, je prends un couteau, je coupe la queue du chien, je la lui tends gentiment et je lui dis : Voici, mon chien, apaise ta faim avec ce beau morceau de viande.

De fait, il avait assez bien compris. Seulement, comme c’était un sauvage et qu’il ne pouvait saisir certaines subtilités, un côté de la question ne lui était pas apparu.

Pour faire comme le gouvernement, il aurait dû penser d’abord à garder pour lui une bonne portion de cette pauvre queue, la faire cuire et la manger, et puis, son estomac ainsi rempli, tenir à son chien un discours moins simple, avec un peu plus de morale. Cela, sermon inclus, est exactement ce que fait le gouvernement pour résoudre les problèmes.

Un dernier emprunt a permis de recueillir, dans l’Italie entière, je ne sais combien de milliards, qui ont été dûment envoyés à Rome.

De Rome, avec ces milliards et avec d’autres prélevés sur le peuple entier, on a continué, par exemple, à entretenir un grand nombre de généraux et d’amiraux avec l’indispensable suite de dépendants, bien que, de toute évidence, le besoin ne s’en fasse plus sentir, du point de vue militaire. Aujourd’hui encore on persiste, aujourd’hui que, pour quelques appareils de transport, nous avons une quarantaine de généraux d’aviation, pour quelques navires de guerre une cinquantaine d’amiraux, et toute la clique sacro-sainte des hauts gradés, Badoglio et consorts, tous sont payés par l’État. Comme est payée en grande partie par l’État l’autre armée des évêques et des curés [1].

En attendant, le problème des sans-logis est toujours posé, les écoles sont encore fermées ou sans vitres, de nombreuses routes ne sont pas réparées, les industries n’ont pas de programme de reconstruction et les chômeurs sont privés d’assistance efficace. Et, par des pressions politiques mises en œuvre cas par cas, on voit réparer, certainement aux dépens de l’État, l’église de préférence à l’usine, ou reconstruire les palais des petits copains au lieu de la chaumière du paysan qui passe l’hiver dans une tanière.

N’aurait-il pas été plus simple, par exemple, d’autoriser les sans-logis à chercher un toit provisoire dans les maisons où se trouvent des chambres disponibles et de former ensuite, par la pression commune des sinistrés et de leurs hôtes, quelque comité chargé de s’intéresser vraiment à la reconstruction, aux priorités, etc ? De même, pour tous les autres problèmes locaux, le financement direct au moyen des ressources récoltées sur place, sans passer par le détour de Rome, eût été préférable.

Si l’on ne trouve pas dans le pays de personnes compétentes — hypothèse qui ne nous paraît pas vraisemblable — un gouvernement peut-il les trouver, qui n’est qu’un groupe d’hommes pensant à travers une bureaucratie déformée par la fonction, et qui, à la solution de ces problèmes, a seulement un intérêt secondaire, certainement moins impérieux et moins efficace que celui des citadins ?


[1Mis à part évêques et curés, il en est de mêne en France
pour les parasites de la soi-disant défense nationale.