Vous amateurs de science pure, si vous êtes pénétrés des principes du socialisme, si vous avez compris toute la portée de la révolution qui s’annonce ne remarquez-vous pas que toute la science est à refaire pour la mettre d’accord avec les principes nouveaux, qu’il s’agit d’accomplir dans ce domaine une révolution dont l’importance doit surpasser de beaucoup celle qui s’est accomplie dans les sciences au XVIIIe siècle ?
Ne comprenez-vous pas que l’histoire – aujourd’hui « fable convenue » sur la grandeur des rois, des grands personnages et des parlements – est toute à refondre au point de vue populaire, au point de vue du travail accompli par les masses dans les évolutions de l’humanité ?
Que l’économie sociale – aujourd’hui consécration de l’économie capitaliste – est toute à élaborer de nouveau, aussi bien dans ses principes fondamentaux que dans ses innombrables applications ?
Que l’anthropologie, la sociologie, l’éthique sont complètement à remanier et que les sciences naturelles elles-mêmes, envisagées à un point de vue nouveau, doivent subir une modification profonde quant à la manière de concevoir les phénomènes naturels et à la méthode d’exposition ? Et bien, faites-le !
Mettez vos lumières au service d’une bonne cause ! Mais surtout venez nous aider par votre logique serrée à combattre les préjugés séculaires, à élaborer par synthèse les bases d’une meilleure organisation ; surtout enseignez-nous à appliquer à nos raisonnements la hardiesse de la véritable investigation scientifique et, prêchant d’exemple, montrez-nous comment on sacrifie sa vie pour le triomphe de la vérité !
Vous, médecin, auquel la rude expérience a fait comprendre le socialisme, ne vous lassez pas de nous dire, aujourd’hui, demain, chaque jour et à chaque occasion, que l’humanité marche à la dégénérescence si elle reste dans les conditions actuelles d’existence et de travail ; que vos drogues resteront impuissantes contre les maladies, tant que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de l’humanité végéteront dans des conditions absolument contraires à ce que veut la science ; que ce sont les causes des maladies qui doivent être éliminées, et ce qu’il faut pour éliminer ces causes. Venez donc avec votre scalpel, disséquer d’une main sure cette société en voie de décomposition, nous dire ce qu’une existence rationnelle devrait et pourrait être et, en vrai médecin, nous répéter que l’on ne s’arrête pas devant la suppression d’un membre gangrené lorsqu’il peut infecter tout le corps.
Vous, qui avez travaillé aux applications de la science à l’industrie, venez donc nous raconter franchement quel a été le résultat de vos découvertes ; faites entrevoir à ceux qui n’osent pas encore se lancer hardiment vers l’avenir, ce que le savoir déjà acquis porte dans ses flancs d’inventions nouvelles, ce que pourrait être l’industrie dans de meilleures conditions, ce que l’homme pourrait produire (...).
Apportez donc au peuple le concours de votre intuition, de votre esprit pratique et de vos talents d’organisation, au lieu de les mettre au service des exploiteurs (...).
Enfin, vous tous qui possédez des connaissances, des talents, si vous avez du cœur, venez donc (...) les mettre au service de ceux qui en ont le plus besoin. Et sachez que si vous venez, non pas en maîtres, mais en camarades de lutte ; non pas pour gouverner, mais pour vous inspirer dans un milieu nouveau ; moins pour enseigner que pour concevoir les aspirations des masses, les deviner, les formuler, et puis travailler, sans relâche, continuellement et avec tout l’élan de la jeunesse à les faire entrer dans la vie - sachez qu’alors, mais alors seulement, vous vivrez d’une vie complète, d’une vie rationnelle. Vous verrez que chacun de vos efforts faits dans cette voie porte amplement ses fruits ; – et ce sentiment d’accord établi entre vos actes et les commandement de votre conscience vous donnera des forces que vous ne soupçonniez pas en vous-même.