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Patagonie 1921 : Avant-propos

vendredi 18 février 2022, par Alex Matin (CC by-nc-sa)

Fin 1921, une imposante grève éclata dans le Sud de l’Argentine. Cette grève, impulsée par des anarchistes, impliqua surtout des travailleurs ruraux ; tout le territoire de Santa Cruz était paralysé. La réaction du gouvernement (démocratiquement élu) fut terrible : un corps expéditionnaire de l’armée fut envoyé pour réprimer ces grèves. Plus qu’une répression, ce fut un massacre ; entre 1 000 et 1 500 travailleurs furent fusillés.

Cette tragédie demeure très peu connue. En fait, on essaya de la cacher dès 1921. Pour l’Histoire « officielle », il s’agirait d’un groupe de bandits et d’anarchistes anti-patriotes qui, avec l’appui de l’armée chilienne, auraient voulu faire sécession et priver l’Argentine de la Patagonie. Évidemment, ceci est totalement faux, mais ceux qui voulurent le prouver eurent beaucoup de mal, car avant même que les massacres commencent, les autorités imposèrent un black-out total, facilité par les conditions géographiques. Il est d’ailleurs significatif que peu d’ouvrages d’histoire du mouvement ouvrier en parlent ; et quand ils le font (comme par exemple dans les ouvrages de référence que sont El Movimiento Sindical Argentino de S. Marotta, ou La FORA de D. Abad de Santillan), c’est pour évoquer ces tragiques événements qui ont vu couler tant de sang innocent, sans pouvoir dire ce qu’il s’est réellement passé. La raison en est simple : presque tout le monde l’ignorait.

Ce n’est qu’à la fin des années 60 qu’un journaliste et essayiste, Osvaldo Bayer, mena une enquête en allant recueillir sur place des dizaines de témoignages. La réalité est donc aujourd’hui rétablie du moins pour les lecteurs hispanisants, car rien en français n’est paru sur ce sujet.

Cette brochure se propose de retracer dans les grandes lignes ces dramatiques épisodes, mais aussi le contexte dans lequel ils s’insèrent : l’organisation et la pratique syndicale, fortement influencées par les anarchistes, ainsi que les comportements exemplaires du gouvernement, de l’armée et des propriétaires fonciers.