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Suceso Portales Casamar (1904-1999)

CIRA Calendrier 2024

mercredi 14 février 2024, par Azucena Rubio (CC by-nc-sa)

J’aime cette photo de Suceso parce qu’on y voit la douceur, l’espièglerie de son regard, la tendresse et la sérénité de son visage de vieille lutteuse apaisée.

J’ai connu Suceso à Londres, pendant l’été 1952. Elle avait 48 ans, j’en avais 18. Ce fut un de ces étés pluvieux, comme il y en a tant et tant à Londres.

Elle vivait au 5 Fairfax Road, dans un grand appartement, avec son compagnon Acracio Ruiz, et leur fille Hortensia. Pour moi qui vivais en hôtel meublé, avec mes parents, rue Lauzin à Paris, un tel appartement apparaissait comme un luxe.

Elle venait régulièrement en France, pour apporter le soutien financier des anarchistes exilés en Angleterre. Hortensia a très souvent été du voyage. Quel meilleur subterfuge, en effet, pour passer clandestinement des livres sterling, que l’emmaillotage d’un bébé ? Car, à l’époque, pas de gigoteuse, ni de liberté pour les jambes de ces pauvres nourrissons, passeurs précoces.

J’étais à Londres pour « perfectionner » mon anglais. Une amie anglaise, compagne d’un compañero exilé, avait trouvé un foyer qui s’avéra être peu agréable et que je quittai au bout de trois jours, pour aller rue Fairfax, où l’amitié et la joie m’accueillirent, aux côtés d’Helios Navarro de deux ans mon cadet, venu de Toulouse. Mes progrès en anglais furent maigres, l’espagnol était notre langue.

Suceso avait été institutrice. Elle avait co-fondé le mouvement Mujeres Libres et avait été parmi ses membres les plus actives. Elle nous en parlait autour d’une grande table de travail où s’entassaient tissus, ciseaux, épingles, rubans, car elle était devenue couturière.

Ainsi, nous apprîmes combien puissants avaient été les combats qu’elle avait dû mener avec ses compagnes, pour faire admettre l’indépendance du mouvement parmi les anarchistes qui, pour autant, n’appréciaient pas toujours la liberté féminine en matière organisationnelle.

En exil, elle continua son combat. Après le décès d’Acracio, elle vécut quelque temps en France, près de Béziers, puis partir pour Móstoles, près de Madrid et nos routes se sont séparées. L’Andalousie fut son dernier séjour, où elle mourut à 95 ans.

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