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Willy Muth, militant anarchiste allemand assassiné par les nazis

jeudi 26 octobre 2023

Willy Muth est mort.

Willy, un des meilleurs camarades allemands, vient d’être sauvagement assassiné par les nazis. Qui ne se rappelle pas de ce camarade dévoué, sincère, avec des idées profondes et humaines ? N’était-il pas un pilier du mouvement anarchiste en Rhénanie.

Il a vu les jours héroïques du prolétariat uni, armé, qui voulait, détruire le Capitalisme. Il a aussi connu des temps sombres, lutté comme peu l’ont fait.

Peu connu dans l’ensemble du mouvement anarchiste, mais un bon camarade et vieux militant, il était estimé et aimé dans la vallée de la Wupper. Il avait hérité de son père son tempérament révolutionnaire ; il était toujours un des premiers dans la lutte.

Comprenant, à dix-sept ans, que la guerre est une folie et un crime, il refuse de se soumettre au service militaire et est mis en prison. Il fut libéré par la Révolution de 1918.

Fidèle aux idées anarchistes — aidé d’autres camarades — il essaie de faire naître un grand mouvement révolutionnaire. Réunions, manifestations, grèves, se succèdent. Puis, vient le coup d’État de Kapp, en avril 1920 [1]. Il fut le premier qui sortit de l’usine ; quelques heures plus tard a lieu la grève générale.

Willy Muth et ses camarades s’arment. Avec trois pistolets et un vieux fusil, ils attaquent un groupement de la Reichwehr et conquièrent une mitrailleuse. Venant en renfort, un détachement de 80 policiers — armés jusqu’aux dents — est mis en fuite en abandonnant leurs armes. Avec ces dernières, les camarades attaquent l’usine de confitures de Elberfeld, où la Reichwehr s’était barricadée. Une lutte acharnée s’engage. Tout à coup, Willy Muth et ses compagnons s’aperçoivent qu’ils sont encerclés ; heureusement, ce sont les ouvriers de Vohsvindel qui attaquent l’usine de l’autre côté. L’issue de la lutte est certaine, l’usine de confitures est, prise d’assaut et la Reichwehr, mise en fuite, quitte la ville en désordre. Elberfeld est entre les mains des ouvriers.

Dans d’autres villes de la Rhénanie, à Hagen, Witten, Welter, les ouvriers se sont emparés des villes. Ils marchent sur Dortmound ; après un combat terrible de 24 heures, ils sont les maîtres. Bochum et Gelsenkirchen s’abandonnent sans défense. La Reichwehr-police — groupement de bourgeois armés — se retira à Essen. A l’entrée de la ville, des mitrailleuses attendent les ouvriers ; ceux-ci, bravant la mort, s’en em-parent. Des luttes sanglantes s’engagent dans toute la ville jusqu’à la sortie au Château-d’Eau. A 17 heures, la ville est prise.

Des luttes semblables ont lieu à Mulheim et Duisbourg. Une semaine après le coup d’État de Kapp, une armée rouge comprenant 100 000 ouvriers est sur le point d’entrer dans la forteresse de Wessel, mais l’artillerie lourde manque et on ne peut bombarder. Parmi ces ouvriers se trouvent nos camarades de Elberfeld. Le Bassin de la Ruhr est encerclé ; les vivres manquent. Aux abords du canal — après la lutte de Pâques — l’armée rouge est vaincue et se retire en désordre.

Muth et ses camarades rentrent dans la vie quotidienne. Toutes les portes des usines où il frappe lui sont fermées. Il commence une vie de privations, de misère. Malgré cela il ne se laisse pas abattre ; toujours vigilant, il propage les idées anarchistes. Je me rappelle ses discussions, tous les soirs, au coin de l’Hôtel-de-Ville de Elberfeld. Dans tous les meetings il prend la parole. Dans les réunions électorales il lutte avec toute sa force contre cette bêtise énorme de croire qu’on peut détruire le système capitaliste avec un simple morceau de papier.

ll voit décliner le mouvement révolutionnaire. Le parti communiste se gonfle d’adhérents, de sympathisants. D’autre, part, se dresse l’ennemie mortelle : la réaction, cachée sous le manteau du socialisme.

En 1933, Muth doit voir se réaliser ce qu’on craignait, toujours : la dictature de la grosse industrie, des grandes banques, présentée au peuple croyant comme le mouvement libérateur. C’est la fin du mouvement révolutionnaire en Allemagne. Mais Willy Muth ne perd pas courage, il envisage le but final : l’Anarchie. Il entre dans les usines, discute avec des camarades sachant bien qu’il risque sa liberté, peut-être même sa vie.

Le mouvement prend quelque ampleur grâce à la propagande de Willy Muth. Le gouvernement envoie des détachements spéciaux de Hambourg et, après plusieurs semaines de mouchardage, Muth et ses camarades sont convoqués pour être interrogés. Il ne doit plus en sortir vivant. Les grains semés par Muth et ses camarades doivent germer. Faisons en sorte que leurs luttes n’aient pas été vaines et qu’elles aboutissent à la déroute du fascisme.

Willy Muth a bien mérité notre souvenir !

« « Acte » » de décès de Willy Muth.

Voir en ligne : Les sommaires et PDF de La Voix libertaire sont disponibles sur le site Fragments d’Histoire de la gauche radicale


[1La tentative de coup d’État de Kapp se déroula en fait entre le 13 mars et le 17 mars 1920 (Partage Noir)