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V. Au théâtre (1791 ?)

mercredi 28 août 2019, par Fournier L’Américain (Domaine public)

L’aristocratie s’était promis d’inoculer l’incivisme par les canaux des théâtres. Cette maudite pièce de... [1] fut celle qui fit le plus de fortune et avec laquelle les bas flatteurs du royalisme le plus lâchement aux patriotes. Impatienté, je dis un jour à bon nombre de ces derniers : Rendons-nous en force au Panthéon (sic), et vous verrez que nous saurons nous venger de toutes ces bravades trop longtemps souffertes. Nous partons : A bas la pièce et les aristocrates ! nous écrions-nous dès que la scène s’ouvre. On nous répond : A bas les Jacobins ! Un combat s’engage et plusieurs coups d’épée et de sabre sont donnés et reçus. Les patriotes, inférieurs en nombre à la faction royaliste, furent contraints de me laisser presque seul dans le parterre. J’y fus en butte à toutes les insultes des femmes entretenues par les chevaliers du poignard, qui en voulaient surtout infiniment à ma coiffure de Jacobin ou de sans-culotte dont on connaît l’élégance et qui a eu pourtant depuis tant d’imitateurs.

Je montai sur un banc et, là, je bravai toutes ces furies. J’osai seul leur répondre que la pièce ne serait pas jouée. Alors vinrent se rallier autour de moi mes bons acolytes qui avaient déjà emporté contre nos adversaires la première partie du combat. Nous voulûmes gagner victoire complète. Nous ne désemparâmes pas (avant) que nous n’avons mis tout le monde dehors, et traîné messieurs les pages dans la boue, ainsi que leurs belles donzelles, que l’on couvrait de neige et de fumier.


[1Il s’agit peut-être de La partie de chasse de Henri IV, par Collé au théâtre de la Nation (26 novembre 1791).