On m’a souvent posé la question pour comprendre pourquoi je ne suis pas découragé, puisque, il faut bien le constater, peu de réalisations concrètes sont issues de mes idées. Ceci est vrai, sans aucun doute. Cependant il existe aujourd’hui toute une série de mouvements qui — sans se reconnaître de l’anarchisme — en appliquent pourtant les idées-forces libertaires…
Pour moi, le plus important est et reste le fait que je n’entrevois aucune raison de changer mes idées, uniquement parce qu’elles sont très éloignées de la réalité et d’autant moins que l’Histoire ne cesse de les confirmer. J’ai eu l’occasion d’entendre, il y a quelques années, Luis Llach reprendre en musique un poème de Constantin Cavafy, « Ithaque ». Ithaque n’est pas seulement cette île de l’archipel grec, mais elle s’apparente pour moi à l’Utopie. Aussi, pour mieux comprendre cette Utopie, lisons ces quelques vers :
Quand tu partiras pour Ithaque
Souhaite que le chemin soit long
Riche en péripéties et en expériences
[…]
Souhaite que le chemin soit long,
Que nombreux soient les matins d’été, où
Avec quels délices !
Tu pénètreras dans des ports vus pour la première fois.
[…]
Garde Ithaque sans cesse présente à ton esprit.
Ton but final est d’y parvenir,
Mais n’écourte pas ton voyage :
Mieux vaut qu’il dure de longues années,
Et que tu abordes enfin ton île aux jours de ta vieillesse,
Riche de tout ce que tu as gagné en chemin.
[…]
Ithaque t’a donné le beau voyage :
Sans elle tu ne te serais pas mis en route
Elle n’a plus rien d’autre à te donner.
Même si tu la trouves pauvre,
Ithaque ne t’as pas trompé.