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Séverine (1855-1929) [10]

vendredi 2 avril 2021, par Victor Méric - Flax (CC by-nc-sa)

L’affaire Dreyfus lui coûta la presque totalité de ses collaborations. Déjà Séverine n’était pas très riche. L’argent gagné — et elle en a gagné — était parti, envolé, disparu, au profit des pauvres. Là-dessus, une maladie dangereuse nécessita une douloureuse opération. Séverine échappa à la mort, mais elle sortit de son lit de souffrances avec les cheveux blancs.

Alors, cette femme, qui avait bien gagné le repos et qui aurait pu se tenir à l’écart, recommença à batailler. De son mysticisme d’autrefois, rien ne lui restait, sinon une vague adoration de celui qu’elle considère comme un des maîtres de l’Humanité, cet apôtre de justice et de libération cloué sur la croix par les bandits de son époque. Les idées de Séverine, au contraire, devinrent plus précises, plus nettes et son amour du peuple l’amena jusqu’au révolutionnarisme, tel que Vallès l’avait symbolisé à ses yeux de jeune fille. Tout pour le peuple, telle devint la devise de Séverine.

A partir de ce jour, Séverine ne se contenta plus d’écrire. Elle voulut s’essayer à la tribune. Elle débuta à Bruxelles, sans préparation, avec seulement quelques notes rapides. Elle crut, raconte-t-elle qu’elle allait mourir à la tribune. Mais les applaudissement éclatèrent. Pendant une heure et demie, elle parla, elle parla, comme cela lui venait, sans recherche, sans art, laissant son cœur l’inspirer, la guider. Depuis, elle a fait de nombreuses conférences. Elle s’est révélée orateur, non pas l’orateur qui emballe, mais qui séduit, convainc, charme. Elle parle comme elle écrit, avec en plus la douceur de ses gestes, la magie de sa voix. C’est tout dire.

Aujourd’hui, Séverine continue à mener le bon combat pour les déshérités d’ici bas, Pas de douleurs qui ne l’aient comme avocat. Pas de misères, pas de faiblesses, pas de victimes dont elle ne se constitue le défenseur secourable. Elle collabore actuellement à l’Œuvre, et, comme autrefois, à l’époque où dans les grands journaux, elle s’était donnée la tâche de parler au nom des opprimés, elle bataille contre le mal et contre l’injustice partout où elle les rencontre.