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Séverine (1855-1929) [03]

vendredi 26 mars 2021, par Victor Méric - Flax (CC by-nc-sa)

Malgré tout et quoique se séparant nettement, par son attitude dans la vie, des amazones du féminisme, Séverine demeure féministe, comme elle est révolutionnaire et comme elle est mystique. Cela demande une courte explication. Il ne faut chercher dans Séverine ni conception politique bien nette, ni système social, ni théorie, ni programme. Elle n’est d’aucune école ; elle ne se rattache distinctement à aucun parti et ne se laisse pas volontiers cataloguer.

Son seul principe directeur, c’est d’écouter son cœur. Elle va où ce cœur immense d’amour et de pitié la mène. Elle est, sans réflexion et toute de spontanéité, avec ce qui souffre, avec les victimes, avec les gueux, avec les opprimés. De là quelques erreurs apparentes. Très influencée à l’aube de sa vie politique par ce grand défenseur des révoltés qui s’appelait Jules Vallès, elle a penché fortement vers les révolutionnaires, les descendants des fusillés de 71. Mais il lui est arrivé de se laisser entraîner vers d’autres routes. Elle s’est proclamée boulangiste. Elle est allée interviewer Léon XIII. Pur sentimentalisme. Triomphe du cœur sur la raison. Elle a vu dans Boulanger, le héros, l’honnête homme plein de bonne volonté, tout de générosité, et surtout l’idylle sanglante se dénouant au cimetière d’Ixelles. Elle a vu derrière le souverain pontife, la légende du Christ immolé à l’Humanité, le Sauveur, la Passion, la Croix. Et toujours ce qui détermine ses actes, ce qu’on trouve à la base de ses interventions, ce qui explique son action, c’est la pitié, c’est la compassion, c’est l’amour du pauvre. Ne cherchez pas autre chose dans Séverine. Elle ne sait pas si l’on peut transformer la société en vertu de tel ou tel système politique et social. Elle ne sait qu’une chose : c’est qu’il faut tendre la main au malheur où qu’il se trouve, en haut ou en bas ; c’est qu’il faut constamment se placer du côté du faible. En cela sa vie est une, droite, logique, au-dessus et en dehors de tout esprit de parti et de toute considération d’école.