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Les Hommes du jour, 1908 - n°27

Émile Pouget (1860-1931) [04]

vendredi 8 novembre 2019, par Victor Méric - Flax (Domaine public)

Ce fut l’un de ces syndicats qui lança la première brochure antimilitariste ; brochure très curieuse, que nous avons eue dans les mains, tirée sur mauvais papier, et rédigée en un style parfois pompier, mais où sont dites des choses inouïs. Quand on relit certains passages enflammés, et quand on songe que cette brochure fut publiée en plein opportunisme, on peut se rendre compte du chemin accompli depuis... en sens inverse.

Il nous faut citer quelques phrases. Il y a un chapitre particulier concernant les moyens à employer par les soldats décidés à la Révolution, quel que soit leur nombre.

Voici ce que disent les auteurs de la brochure :

1° A la première nouvelle de l’insurrection, chaque soldat révolutionnaire devra incendier la caserne où il se tiendra ; pour cela il se dirigera vers les points où seront accumulés les bois, les pailles et les fourrages dans tous les cas, il devra mettre le feu aux paillasses en ayant préalablement le soin d’en vider une pour donner plus de prise à l’incendie.
Pour mettre le feu, il pourra se servir d’un mélange de pétrole et d’alcool, de pétrole seulement, ou même d’une simple allumette, selon le cas.
Dès que le feu aura commencé à prendre, il faudra éventrer quelques tuyaux de gaz dans les corridors et dans les chambres ;
2° Au milieu de la confusion qui se produira nécessairement dès que l’incendie se sera propagé, il faudra pousser à la révolte et frapper impitoyablement les officiers jusqu’à ce qu’il n’en reste as un seul debout.
3° Les soldats devront alors sortir de leurs casernes embrasées et se joindre au peuple en emportant leurs fusils et des munitions pour aider les ouvriers insurgés à écraser les forces policières.
La Préfecture et toutes les forces de polices devront être incendiées immédiatement ainsi que tous les édifices où pourraient se rallier des forces gouvernementales.

Suivent des conseils très précis pour obtenir le plus rapidement possible l’incendie en utilisant un mélange de pétrole et d’alcool, du sulfure de carbone, de l’essence de pétrole saturé de phosphore blanc, etc.

Eh ! bien, répétons-le, cela se publiait et se répandait en plein opportunisme. Et la brochure, tout d’abord, ne fut pas poursuivie. Ce ne fut qu’à la suite d’incidents dans la rue que des militants furent incarcérés pour avoir distribué la brochure : A l’armée.

Essayez maintenant d’écrire la centième partie de ce qui précède, en prenant toutes les précautions nécessaires et en adoptant la forme la moins violente, et vous verrez comment nos radicaux et nos socialistes du gouvernement vous traiteront. C’est ce qu’on appelle le progrès.

Ailleurs, la même brochure disait :

Allons ! allons, soldats ! au lieu de tourner vos armes contre vos frères, tournez les contre les chefs qui osent vous commander d’être fratricides ; au lieu de préparer pour vos frères et pour vous des jours de misère et d’oppression, joignez-vous à ceux qui veulent pour tous, pour vous comme pour les autres, la liberté absolue et l’égale satisfaction des besoins.

C’est exactement ce que disaient Hervé et ses coaccusés dans la fameuse affiche rouge.

C’est à peu près ce que proclamait Son Excellence Aristide Briand, il y a quelques années.